Manchot

Publié le 27 Décembre 2019

Manchot

Manchot

Ni bête, ni enfant, ni noir
ni blanc mais vertical
et une innocence interrogative
vêtue de nuit et de neige.

La mère se moque du marin,
du pêcheur à l'astronaute,
mais l'enfant ne rit pas
quand il regarde l'enfant oiseau
et l'océan en désordre
passager immaculé
émerger d'un deuil enneigé.

Je fus, moi, certainement l'enfant oiseau
de retour dans les archipels froids :
quand il me regardait avec ses yeux,
avec les vieux yeux de la mer :
ce n'étaient pas des bras et ce n'étaient pas des ailes
c'étaient des petites rames dures
celles qu'il avait à son côté :
il avait l'âge du sel,
l'âge de l'eau en mouvement
et il me regardait de son âge :
depuis lors, je sais que je n'existe pas,
que je suis un ver dans le sable.

Les raisons de mon respect
ont été gardées dans le sable :
cet oiseau religieux
n'avait pas besoin de voler,
n'avait pas besoin de chanter
et bien que sa forme était visible
saignait le sel de son âme sauvage
comme s'ils avaient coupé
une veine du clan amer.

Manchot, voyageur statique,
prêtre lent du froid :
je salue ton sel vertical
et j'envie ton orgueil emplumé.

Pablo Neruda (Arte de pájaros) traduction carolita

Texte original

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Les oiseaux de Pablo

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A
Il est beau le poème de Pablo, plein de tendresse et de respect comme tu l'aurais écrit, toi. Et belle illustration :)
Répondre
C
Il me plaît bien aussi le poème de Pablo, je trouve que l'on reconnaît bien cet oiseau qu'ils appellent comme de fait au Chili pájaro-niño, oiseau-enfant ou enfant-oiseau. On dirait comme de fait un enfant penaud qui s'est fait fâcher.