…..fragments de Vivarais…..
La fumée sur le toit
Tu vois il ne fait pas froid
Au loin
Bien alignés
En quinconce
Ou deux par deux
Se donnant la main avant d’entrer
Dans la classe de la forêt
Les pins
Verts
Infiniment verts
Qui gardent cette couleur
Comme pour snober l’hiver.
Les tuiles sont jalouses.
Elles aimeraient bien un peu de vert aussi
Mais si, c’est permis, on y pense !
La mousse est là pour ça !
Ah ! Le hussard sur le toit !
Avec ses beaux yeux de velours d’amande
Et sa dégaine chevaleresque
Certes il avait fort à fuir
Partageant sa gouttière avec les chats
Mais que la vue est belle
Du toit :
Les sapins, les gens, la peste, les macchabées branlants
Dans la charrette à mort
Avec ce petit air de pandémie
Qui sort par toutes les embouchures.
Ce n’était pas le même folklore alors
Mais c’était un folklore de pandémie
Ça tombait raide dans la rue
Comme ça sans prévenir
Deux convulsions et du riz au lait collé dans la barbiche
Ah ! C’était du classique !
Maintenant on garde tout ça chez soit
On s’isole, on tousse dans son coude on se morve dans son masque
On compte les morts sur les doigts des journaleux
On ne comprend rien si ce n’est que sur le toit
Il y a un abri.
Ah ! vite, sortez l’échelle !
Je veux de ce pas la tester
Voir si j’ai encore le pied marin
Si la gouttière tient bon
Si le paysage est à la hauteur
Avec sa petite chaleur, le toit peut nous réchauffer
Au passage nous attraperons les virus avec le filet
On les jettera au loin, là où le croquemitaine est en grève
Ils n’ont pas encore sorti le chariot à macchabées, ou si plutôt :
Maintenant ça s’appelle un corbillard
C’est plus smart, plus rangé
Plus propre
Evidemment on ne va pas s’en plaindre.
J’aimerais bien si je pouvais
Me jeter derrière la glotte un petit coup de gnôle
Du marc de Provence
Un vieux calva de la campagne, du 90° au moins
Bon pour désinfecter les boyaux :
C’est vrai, je suis chimico sensible !
Tout ceci est prohibé
Comme la vie l’est aussi
Rester enfermée, vivre par procuration
Ça ferait le buzz si j’écrivais ma vie ?
Une vie d’intoxiquée.
Pas la peine de pleurer, il y en tant à venir des comme moi
Il y en a tant déjà, de ces inconnus, de ces invisibles
Le virus nous a dit de ralentir
L’entendons-nous, l’entendons-nous ?
J’ai sous le coude, le bras et au cœur
Une maladie qui ne demande qu’à s’étendre
Comme un virus
Que l’on ne veut surtout pas entendre
Il coûte trop à chacun de son confort
De son modernisme, de sa bonne vie
Mais les enfants à venir souffriront pire
Ce seront des enfants intoxiqués
Dès leur naissance d’ailleurs ça l’est déjà
Ils n’auront pas la chance comme moi
D’avoir eu une petite vie, d’avoir pu me sentir un peu libre
D’aimer et d’enfanter, d’élever, de nourrir, de faire grandir
Et d’espérer
Avant que de m’écrouler
Ma vie derrière moi
Eux n’auront pas cela
C’est le lot à payer du modernisme
De la belle civilisation et du développement
Pour que la masse profite, il faut que certains s’éteignent
Comme des chandelles mal torchées
Certains consomment
D’autres dépérissent
D’une mort lente, très lente
Qui peut prendre une vie
A attendre qu’une toute petite odeur
Vous coupe l’herbe sous le pied
A défaut d’un gros virus
Qu’on ne peut éviter.
C’est l’heure de la complainte
L’heure de l’épanchement
Qui suivant le feu, el humo
Va et s’étend
Tout ceci n’est qu’un rêve
Parfois un vrai cauchemar
Il faut se raccrocher aux tuiles car ce sont les filles des étoiles
Il faut se détendre et regarder la lune
C’est une véritable apparition
Avec son sang d’opale
Elle parle elle pardonne elle promet
Cela ne lui coûte rien à la lune
C’est une mère et une mère
Toujours, ça sait
Ça sait dire oui, dire non,
Ça sait faire les lacets
Ça sait tourner la tête
Qu’on ne voit pas ses larmes
Ça sait toujours pardonner
Ça sait beaucoup lâcher prise avec le recul
Ça sait surtout s’inquiéter
Mais cela ne sert à rien quand on n’y peut rien
Quand on ne peut plus rien pour personne
Ni pour soi-même
Une lune c’est une lumière
On y voit la figure que l’on a aimée
Elle ouvre la bouche et sur ses lèvres
On y lit un poème
Parfois
Devant elle surgit une silhouette
Sur son balai la sorcière- covid
Qui a décidé de faire le tour de la lune
Elle avait des choses à dire, à épousseter
Seulement on n’a rien voulu savoir
Faites le ménage avec mon balai
Disait-elle !
La lune, elle, la comprenait
Elle lui avait fait un magnifique arrière-plan
Couleur argent sur lequel se détachait la
Figure noire de la sorcière- covid
Avec son balai d’or aux poils de cristal
Tout à coup une turquoise est tombée au pied d’un chat
C’était un œil de lune
Comme un de ses rares bijoux d’autrefois
Qui sentaient les ans
Le chat l’a avalé avec à l’intérieur une notice de Buen Vivir
Toute apprêtée pour la gloire.
Trop tard !
Le chat a avalé la feuille de route !
La sorcière continue de tourner
Son balai est propulsé au radium
Il ne s’arrêtera plus
A moins que la sorcière butte dans un Nosferatu satellitaire.
D’ici là
Le chariot aux macchabées aura bien tourné lui aussi
Et les autres n’auront toujours pas permis
Que cesse un peu le grand train de vie
Qui épuise la vie
Qui intoxique les arbres les gens l’eau la lumière et les rêves.
Carole Radureau (29/11/2021)
Inspirée par cette photo de Sserge