Publié le 26 Février 2017
J’écris pour une terre à peine sèche, encore
Fraîche de fleurs, de pollen, de mortier,
J’écris pour des travées de bruyères asséchées par les vents
Des nids d’ardoises pures calcinées par les tourments des hommes
Et dans l’ornière ténébreuse
Je fais mon nid
Tout assoiffé de sève et d’embruns
Un nid de vie endormie dans la soie des amours ténébreuses
Un cocon d’amour pur.
D’où suis-je issue sinon de ces matières neuves et
Bleues
Qui s’emmêlent ou se hérissent ou se destituent
Qui s’enracinent dans le ferment des ajoncs échevelés
Ou s’entrechoquent dans les dents de la tempête
Ou se morfondent des interstices du schiste vénéneux
Qui a décidé de lier son existence à la sombre proximité des exploiteurs ?
Je suis née de la rencontre de la pierre et de la misère reproduite
Je suis le fruit de la marne et du charbon de l’ardoise et du granite
Et dans mon sein bat le sang rouge de la bruyère et la sève jaune du genêt
Un zeste de pomme a arrondi les angles et une fougère a hébergé le fruit.
La nuit je dors comme les fleuves : je parcours
Ceci ou cela, sans répit, je romps, je donne de l’avance
A l’obscurité natatoire, je soulève les heures
Vers la lumière féconde qui a écrit son hâle
à l’encre de sel
Sur un mur de granite toutes fables confondues.
Dans un chemin de pierre la rose énergique a glissé deux aiguillons
De peine pour écrire avec le sang des sacrifiés :
Hommes, géniteurs de mes ans qui avez écrit l’histoire dans la sueur
Une à une vos veines ont brûlé comme la lande éconduite
Et dans votre sacrifice la montagne a pleuré ses pierres chaudes
Le sel a figé son cri dans un chardon ennuyé
Et le goéland a chanté oubliant son cri de rappel.
Mais je suis moi le nimbe de métal, l’anneau
Enchaîné à des espaces, des nuages, des terrains,
Qui photographie les coutures élimées du manteau terrestre
Qui caresse d’une main tendre la rugosité du granite
La douce attente de l’ardoise
Et qui dans une attitude transposée
Unit la prière de la licorne à la volonté de l’hippocampe.
Carole Radureau et Pablo Neruda (en italique extraits de Eternité in Le chant général – 25/02/2017)