Publié le 31 Août 2013

......Nos poèmes doivent distinguer avant tout le monde l'ennemi qui approche.......
Sur les traces du géant aux yeux bleus

Mes frères,
couplés au bœuf décharné, nos poèmes
doivent pouvoir labourer la terre,
pénétrer jusqu’au genou
dans les marais des rizières,
poser toutes les questions,
rassembler toutes les lumières.
Telles des bornes kilométriques, nos poèmes
doivent distinguer avant tout le monde
l’ennemi qui approche,
battre le tam-tam dans la jungle.
Et jusqu’à ce qu’il ne reste plus sur terre
un seul pays captif, un seul prisonnier,
ni dans le ciel, un seul nuage atomisé,
tout ce qu’ils possèdent,
leur intelligence et leur pensée, toute leur vie,
pour la grande liberté, nos poèmes.

Nazim Hikmet

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NAZIM
Sur les traces du géant aux yeux bleus

Quand le géant reviendra-t-il ?

L’amour des hommes est en exil

Toi Nazim, le frère des hommes

Quand reviendras tu embrasser

Cet arbre qui même à l’automne

Porte les fruits de cette terre

Que tu n’as jamais retrouvé

Lorsque nos pleurs furent mis en perce

Par les bâtisseurs de prison

Il suffisait d’une simple averse

Pour que la nuit devienne tendresse

Par la blancheur d’un doux flocon

Les soutes de l’Anatolie

Grondent d’un chant de pionnier

Donnant des yeux de renoncule

A des milliers de prisonniers

Afin d’ étoiler leurs cellules

Après l’angoisse des soirs pendus

L’aube renait comme une évidence

la naïveté se fait vaillance

L’enfance devient une vertu

Pour remordre tout ces fruits perdus

Bien des questions philosophiques

Résonnent dans le creux de tes mots

Scorpion qui tue, mouton qu’abdique

Mais dans le miroir d’un ruisseau

L’homme redeviendra-t-il beau ?

Les bombes seront toujours immondes

Elles donnent la patte aux idées courtes

Toi tu offres aux enfants du monde

une terre ronde comme une yourte

Tes fils ont les amours fécondes

Ton sourire est invitation

A planer sur l’immensité

Et effleurer du bout des ailes

Les épis de la liberté

De ces grands champs en floraison

Tes yeux bleus se rouvriront-ils ?

L’humanité est en exil

Hobo-Lullaby

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La rose ottomane

Les mots du poète

Raison d’être

Fusent

Projectiles rimés

Des prisons d’acier

Sur les traces du géant aux yeux bleus

La rose ottomane

Aux pétales diaphanes

Argumente

Les pensées aimantes

De Nazim à l’âme pure

Qui jamais n’épure

Son cœur généreux

Les mains qui caressent

Volonté d’ivresse

La bouche décidée

A ne mots garder

Les liens qui se tissent

Solides et complices

Baume d’amitié

Contre maux glacés

Le rubis de son cœur

Émouvante rougeur

Ardente ferveur

Dans les vers

De la pierre

Grave la poésie

De l’homme averti

Le sable du désert

Le sang qui se perd

L’injustice criée

Du poète enfermé

Jamais ne vaincrons

L’aigle volontaire

Qui tient dans ses serres

La clé

Lovée

Camouflée

Bien au chaud gardée :

Matrice de l’humanité.

Carole Radureau (16/08/2013)
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........Oui, Nazim était un grand jour doré.......
Sur les traces du géant aux yeux bleus

Qu’avons-nous perdu vous et moi,

quand Nazim Hikmet est tombé comme une tour,

comme une tour bleue qui s’écroule ?

Il me semble parfois

que le soleil s’en est allé avec lui qui était le jour,

oui, Nazim était un grand jour doré

qui remplit son devoir de renaître à chaque aube

malgré les chaînes et les châtiments :

Adieu, lumineux compagnon !

Délicieux Savitch entre Saint-Basile

et les maisons nouvelles de l’Aéroport,

ou dans le quartier d’Arbat, mystérieux encore,

transvasant mon vin chilien, le versant

dans la peau de tambour de son langage.

Savitch, avec toi s’est perdue

l’abeille d’or

qui créa le miel de ma ruche !

Mon doux ami, limpide camarade !

Pablo Neruda (La rose détachée)
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........Vos mains qui cachent sous leur peau rude l’affection et l’amitié.......

Vos mains graves comme les pierres,

tristes comme les airs chantés dans les prisons,

lourdes, massives comme des bêtes de somme,

vos mains qui ressemblent au visage chagrin des

gosses affamés !

Sur les traces du géant aux yeux bleus

Vos mains légères, habiles comme les abeilles,

chargées comme les mamelles de lait,

courageuses comme la nature,

vos mains qui cachent sous leur peau rude l’affection

et l’amitié.

Notre planète ne tient pas entre les cornes d’un bœuf,

elle tient entre vos mains.

Ah les hommes, nos hommes à nous,

on vous nourrit de mensonges,

alors qu’affamés

il vous faut du pain, de la viande.

Vous quittez ce monde aux branches lourdes de

fruits

sans avoir mangé une seule fois une nappe blanche.

Ah les hommes, nos hommes à nous,

surtout ceux d’Asie, d’Afrique,

du Moyen et du Proche-Orient,

des îles du Pacifique,

et ceux de mon pays,

c’est-à-dire plus de soixante-dix pour cent des

hommes,

vous êtes indifférents, vous êtes vieux comme vos

mains,

vous êtes curieux, admiratifs, vous êtes jeunes comme

vos mains…..

Ah les hommes, nos hommes à nous,

mon frère d’Espagne ou d’Amérique,

tu es alerte, tu es audacieux,

et tu oublies vite, comme tes mains,

tu te laisses abuser, comme tes mains

tu te laisses vite avoir….

Ah les hommes, nos hommes à nous,

si elles mentent les antennes,

si elles mentent, les rotatives,

s’ils mentent, les livres,

s’ils mentent, l’affiche, l’avis sur la colonne,

si elles mentent sur l’écran,

les jambes nues des filles,

si la prière ment,

si elle ment, la berceuse,

s’il ment, le rêve,

s’il ment, le violoniste dans le cabaret,

s’il ment le clair de lune

dans les nuits de nos jours désespérés,

si elle ment, la voix,

si elle ment la parole,

si tout le monde et toutes les choses mentent

à l’exception de vos mains,

c’est pour qu’elles soient dociles comme l’argile

aveugles comme les ténèbres,

idiotes comme le chien du berger,

et pour que ne se révoltent pas vos mains,

et pour que ne finisse pas cette tyrannie,

ce règne du trafiquant,

en ce monde où la mort nous attend,

en ce monde où il ferait si bon vivre…..

Sur les traces du géant aux yeux bleus
Nazim Hikmet 1949

( Il neige dans la nuit et autres poèmes, traduction Munevver Andaç et Guzine Dino)

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Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Aragonite

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