les oiseaux de pablo

Publié le 4 Janvier 2020

Merle austral (zorzal)

Merle austral (zorzal)

Merle sûr dans le jardin,
ferme sur les pieds, œil sûr,
oreille qui sent onduler
sous la terre les vers,
chaussé comme un gentleman
avec des bottes en cuir jaune
il n'a pas besoin de soulever
ses ailes couvertes de rosée
ou son plumage poivré,
il se déplace par voie terrestre et dans l'herbe
il coule à travers le parfum du Chili,
l'odeur du blé sec,
l'ombre des oranges,
l'air vert de la menthe
et quand il se sent accablé
pour tant de dons naturels
il soupire le merle mélancolique,
il prend sur ses ailes la tristesse
avec sa guitare végétale
et crie avec la voix de l'eau,
chante sa chanson liquide
comme une goutte ou un raisin
ou une flèche qui a tremblé
et le merle est en route
avançant avec délicatesse
sur le corps parfumé du Chili.

Pablo Neruda (Arte de pájaros) traduction carolita

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Rédigé par caro et hobo

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Publié le 3 Janvier 2020

Pigeon du Chili

Pigeon du Chili


Dans mon enfance, les pattes rouges
des pigeons j'ai aimé :
les pieds de cuir rouge
et ces doigts écarlates.

De quel monde de plume et de rêve
de quels vêtements inaccessibles
s'est égrenée la fauconnerie
jusqu'à ma propre condition ?

A ma pauvre condition
chasseur sans arme
perdu dans la pluie et les feuilles
des bois où s'envolaient
les innombrables pigeons ;
mangeant les graines noires,
le pain secret de la selva,
les baies de l'été rigoureux,
mangeant les grains du ciel,
les directions du ravin,
l'aube céréale,
les friandises de l'aube.

Et maintenant, ils venaient vers moi,
c'était ma famille sauvage,
ils venaient vêtus de vent
et dans chaque plume resplendissaient
les bandes ocres de l'argile,
les couleurs des collines :
ils portaient le poncho paysan
de mon baptême national.

Adieu pigeons parfumés
à la poussière, à la poudre, au pollen :
je ne sais pas où ils se sont posés
ces pieds en cuir rouge :
les ailes ont disparu,
la multitude du canelo
et maintenant dans ces bois
ils sont partis de l'arbre de ma famille :
personne n'attend que je vole.

Il paraît que seulement subsistent
quelques arbres brûlés.

Pablo Neruda (Arte de pájaros) traduction carolita
 

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Rédigé par caro et hobo

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Publié le 2 Janvier 2020

Caracara chimango

Caracara chimango (Tiuque)

Inacceptable, nécessaire,
oiseau intrépide, inspecteur
embaumé sans mourir,
tuique sec, tuique plumeau,
tiuque en attendant l'enterrement,
tiuque indécis dans les poubelles,
désintéressé, apparent,
vieux cheval du ciel,
pantalon déchiré sur le toit,
délabré volant,
un tas de plumes irritantes,
crochet oxydé dans les urines
d'un village inhabité,
bénéfique tiuque tombé
et soulevé par la poussière,
lavé par l'air pur,
taché par le nuage de poussière,
jusqu'à ce que toute cette agitation
ait affecté ta volonté :
tu n'as aucune couleur
sinon celle de la grappe sans raisin
sinon celle de la tige de haricot,
sinon celle du cheveu de l'hôpital,
sinon celle des plumes enterrées.

Pablo Neruda (Arte de pájaros) traduction carolita

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Rédigé par caro et hobo

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Publié le 31 Décembre 2019

Moqueur du Chili

Moqueur du Chili

Il a volé le moqueur a longue queue
habillé comme des ciseaux :
il se tenait sur un fil, il a écouté
la voix profonde du télégraphe,
le pouls bleu du barbelé :
il a entendu des mots, des baisers, des nombres,
pétales rapides de l'âme,
seulement à ce moment-là, il a lancé son trille,
il a laissé tomber un courant clair
et il a crié sa colère.

Moqueur, je n'ai pas retenu ta leçon
de vol, et de chant et de pensées :
j'ai tout appris de la fumée,
de l'humidité, du silence :
je ne savais pas danser et voler
sur la beauté du peumo,
pour immerger l'âme dans les boldos,
sifflant dans le vent :
je ne connaissais pas ta sagesse,
la vitesse de ton trille,
la république de ta chanson.

Je jure d'apprendre ce que tu professes :
pour savoir comment traverser comme une flèche,
étudier les syllabes secrètes
de l'air libre et des feuilles,
chanter avec l'eau et la terre
et établir dans le silence
une chaire cristalline.

Pablo Neruda (Arte de pájaros) traduction carolita

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Publié le 30 Décembre 2019

Tyranneau omnicolore

Tyranneau omnicolore

Dans la lagune, le jonc,
le totoral humidifié,
quelques gouttes vivent et brûlent :
soudain, il y a un mouvement,
un minuscule drapeau,
une échelle d'arc-en-ciel :
le soleil l'a éclairé rapidement,
comment ses sept couleurs se sont unies ?
Comment a-t-il pris toute la lumière ?
Il était là mais il n'y était pas :
il n'était pas là, la bourrasque, il était parti,
peut-être qu'il n'existe pas mais quand même
il est en train de trembler, le jonc.

Pablo Neruda (Arte de pájaros) traduction carolita

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Publié le 28 Décembre 2019

Vanneau téro

Vanneau téro

Il a volé le vanneau étincelant
de neige blanche et de neige noire
et il a ouvert son costume en plein jour,
au milieu de la matinée :
il était coûteux l'éventail
de ses deux ailes nuptiales :
il était riche le corps orné
par la matinée et le plumage.

Sur les pierres d' Isla Negra
a brillé le luxe sauvage
de l'oiseau de velours
et je me disais : où va-t-il ?
A quelle céleste réception ?
A quel mariage de l'eau et de l'or ?
Dans quelle salle de pourpre pure,
entre des colonnes de jacinthe,
où peuvent entrer avec lui
seulement les nuages bien vêtus ?
Enfin, dis-je, peut-être qu'il ira
pour couronner les cheveux
de la naïade de Genil
amie de Pedro Espinosa.

Il n'a pas fait cela le pessimiste :
il a volé et plané pour descendre
dans un champ de blé effondré
parmi des touffes de chaumes
et de là, il a lancé son langage
son tero tero lancinant,
pendant qu'il mordait, picorait
et dévorait sans passion
un simple ver de terre.

Pablo Neruda (Arte de pájaros) traduction carolita

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Publié le 27 Décembre 2019

Manchot

Manchot

Ni bête, ni enfant, ni noir
ni blanc mais vertical
et une innocence interrogative
vêtue de nuit et de neige.

La mère se moque du marin,
du pêcheur à l'astronaute,
mais l'enfant ne rit pas
quand il regarde l'enfant oiseau
et l'océan en désordre
passager immaculé
émerger d'un deuil enneigé.

Je fus, moi, certainement l'enfant oiseau
de retour dans les archipels froids :
quand il me regardait avec ses yeux,
avec les vieux yeux de la mer :
ce n'étaient pas des bras et ce n'étaient pas des ailes
c'étaient des petites rames dures
celles qu'il avait à son côté :
il avait l'âge du sel,
l'âge de l'eau en mouvement
et il me regardait de son âge :
depuis lors, je sais que je n'existe pas,
que je suis un ver dans le sable.

Les raisons de mon respect
ont été gardées dans le sable :
cet oiseau religieux
n'avait pas besoin de voler,
n'avait pas besoin de chanter
et bien que sa forme était visible
saignait le sel de son âme sauvage
comme s'ils avaient coupé
une veine du clan amer.

Manchot, voyageur statique,
prêtre lent du froid :
je salue ton sel vertical
et j'envie ton orgueil emplumé.

Pablo Neruda (Arte de pájaros) traduction carolita

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Publié le 26 Décembre 2019

Colibri I

Colibri I

Le feu s'est échappé et il a été pris
par un mouvement d'or
qui l'a maintenu suspendu,
fugace, immobile, tremblant :
vibration érectile, métal :
pétale des météorites.
Il a continué volant sans voler
en concentrant le petit soleil
dans un hélicoptère de miel,
dans la syllabe émeraude
qui de fleur en fleur dissémine
l'identité de l'arc-en-ciel.
Le soleil secoue le tournesol
la soie somptueuse
des deux ailes invisibles
et le plus minuscule éclair
brûle dans son incandescence pure,
statique et vertigineux.

Pablo Neruda (Arte de pájaros) traduction carolita

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Publié le 24 Décembre 2019

Buse de Harris

Buse de Harris


J'ai vu un faucon blanc suspendu
au ciel comme par un fil
mais il n'y avait aucun fil :
le faucon blanc palpitait,
il neigeait le mouvement,
ses grandes ailes battaient,
à l'intérieur de lui, le feu grandissait
comme un foyer qui le brûlait :
la faim a aiguisé l'acier,
le cyclone noir de ses griffes :
il a préparé le sang aveugle
pour tomber comme une pierre :
terreur terreur sa lumière de neige,
terreur sa paix dévorante.

Pablo Neruda (Arte de pájaros) traduction carolita

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Publié le 23 Décembre 2019

Tinamou perdrix

Tinamou perdrix


Exhalation ! Elle a couru, elle a volé,
dérapé avec un battement
et l'arôme est resté tremblant
au bord de la quebrada,
la rosée est restée tremblante,
les céréales ensommeillées,
le matin où elle se peignait 
elle a perdu une fleur de son diadème :
Elle sentait le fumier le Dimanche.
et chaque coup soudain,
à chaque cri de la poudre ,
le ciel n'a pas cligné des yeux.
Mais peut-être à partir des racines,
la perdrix a germé du sol
et a fait sonner ses ailes sèches :
son parfum est passé
comme l'âme de la barranca :
un baiser de mousse et de poussière,
un mouvement de frottement,
la topa topa  a fulguré
avec ses cadeaux jaunes
dans l'air bleu, la perdrix
a perdu son plumage de poussière
et s'est transformée en air bleu.

Pablo Neruda (Arte de pájaros) traduction carolita

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