Par Auteur inconnu — Online Archive of California, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=8986654
Ishi c’est le nom qu’ils t’ont donné
Tes amis blancs à la fin de ta vie
Car comme tous les indiens tu ne voulais pas dire ton nom.
Ishi le dernier indien « sauvage » d’Amérique du nord
Une histoire très triste
L’histoire d’une fin
La fin d’un peuple, la fin d’un monde :
Le premier monde.
Ta vie à l’état de nature composée de fuites et de peur
Survivant des massacres de la main des civils
Des milices, des propriétaires terriens
Toi et tes proches (5 en tout et pour tout)
Vous avez dû vivre cachés sur votre territoire rétréci
Pillé
Où la moindre petite cache pouvait être observée par les intrus
Pendant 30 ans.
Champion de la vie sauvage
Ishi comme un témoignage vivant
Rejoint un jour n’en pouvant plus de la solitude
Le monde des blancs
Il n’a plus de choix
Il doit se rendre avec la peur au ventre à ce peuple
Qui a détruit le sien :
S’en remettre à lui.
Et là, Ishi devient centre d’intérêt
Ce n’est plus le même intérêt qui poussa ces mêmes gens à détruire son peuple jusqu’au dernier
La peur avait changé de camp
On se presse on veut tout savoir de lui
On l’enferme tout d’abord dans la prison
Pour le « protéger »
C’est ensuite tout naturellement qu’il finit au musée
Car ceux qui veulent s’occuper de lui sont forcément
Anthropologues, chercheurs, savants (donnons-leur un cierge).
Ishi au musée de son vivant
Ishi dont la maison qu’il aimera de son vivant
Est un musée
Au milieu des ossements des objets coutumiers des traces du passé
Pillées par les colons
Seules traces de ces vies qui peuplèrent la région (nous sommes à San Francisco, Californie dans les années 1910)
C’est un clin d’œil du destin cynique et cruel qui pourtant
Ne déplut pas à Ishi car dans cette vie-là
De courte durée
On prit soin de lui.
Et c’est tout naturellement qu’il se plia à toutes les expériences
Ishi le sauvage si bien élevé, si prévenant, si à cheval sur les règles
Etait un exemple et chacun le respectait
Il a donné de lui et de son peuple perdu tout ce qu’il pouvait donner
Y compris les derniers vestiges de sa langue unique
Une langue dans laquelle des versions féminines et masculines existaient
Ishi s’est plié à tout cela
Non pas qu’il avait en lui une culture du devoir de mémoire
Non, Ishi jamais n’avait été à l’école
Il avait compris instinctivement qu’il se devait de laisser ce témoignage
Unique témoignage d’un peuple fort et fier
Guerrier et téméraire
Dernier peuple combatif californien.
Il fut heureux ces 5 années-là
Il s’adapta pour le mieux à sa nouvelle vie
Seulement ces nouveaux amis dont l’un était docteur
Ne surent pas évaluer les risques qu’ils lui firent courir en l’exposant
Aux foules, aux gens, aux sorties dans la ville
Ishi n’avait jamais eu de maladies de sa vie
Il était extrêmement sain et le choc bactériologique des premiers contacts
Ne me semble pas être inconnu des savants de cette époque-là
Ishi a vite contracté la tuberculose
Sa vie en a été vite réduite
On peut penser : quel gâchis !
C’est ainsi que l’on doit penser
Ceci est encore une conséquence d’une autre forme de colonialisme.
On peut penser aussi que ses derniers amis n’ont pas eu le courage de respecter sa culture
Ses choix culturels à propos de la mort
Les Yahi sous-groupe des Yana incinèrent les morts
Les mettent ensuite sous un cairn dans un coin du chaparral
Ça les blancs ont su le faire à leur façon
Mais le corps en entier n’a pas été consumé
La science dans sa grande humanité s’est permis de garder son crâne :
Qui sait si l’âme d’Ishi n’erre pas encore dans ce musée de San Francisco ?
Il était fort
Il était doué
Il était doux et rougissait
Il n’avait connu pour toute vie que l’errance
Il lui fut interdit d’aimer (plus de femmes dans sa tribu)
D’être père
De vieillir comme un indien sur sa terre dans sa coutume
Entouré des siens
Il ne se plaignait pas
Il était humble comme le sont les peuples originaires
Un indien Sioux l’ayant un jour rencontré, observé rapidement mais finement
De lui
Avait dit :
« C’est un indien de grande lignée »
Son sourire reste à jamais pour ceux qui l’on découvert, l’on lu, le lisent encore
Apprennent son existence
Son sourire et son message universel
Qui échappe à toutes ces traces matérielles
Peu importe la barrière de la langue, peu importe l’histoire, ce qu’il en reste
C’est cette sensation de grande vibration énergétique
Au-delà du temps dans la nature sauvage
Ishi tu es, tu vis, tu transmets, tu nous enseignes, tu nous éclaires de ta présence.
Carole Radureau (21/08/2020)