Publié le 7 Février 2016
Une petite fantaisie poétique que j'ai envoyée à notre camarade Georges Ibrahim Abdallah pour lui changer les idées.
De mes mots, je voulais dessiner un tableau me rappelant de ce poème écrit par Nazim Hikmet pour décrire un tableau de Balaban, un peintre turc de ses amis. C'est ICI pour en savoir +.
Ce n'est pas très révolutionnaire, peut-être que ça va le faire sourire.
Et ce sera bien.
Je suis le peintre et de mes mots
Je dessine pour toi un tableau
Un tableau d’évasion
Un espace où se dessine au loin
L’infini
Un grand tableau sans bord sans ligne
En dehors de celle de l’horizon.
Le sable a déroulé des milliers de mètres cubes
Couleur d’orange et de citron
Y glissent des petites vies
Y poussent des petites fleurs
Adaptées à sa bizarrerie de chaud et froid
Quelques feuilles toutes déchiquetées
Un cœur succulent
Convoité
Une épineuse armature
Pour éloigner intrus et polissons.
Je dessine un arbre
Un bel arbre avec en guise de frondaison
Une coiffure de canopée
Toute grise et hérissée
Toute illuminée de lumière
Avec en toile fond
Un mur du plus bel orange vermillon.
Ce mur c’est la dune du désert
Qui bouge quand le vent la pousse
Cette dune est à la mobilité
Ce que le désert est à l’immobilisme :
Une porte ouverte vers la liberté.
Un aigle survole la belle mer de sable
Avec son arbre planté
Seul au milieu de nulle part
L’aigle est le tien, il est ton compagnon
Il porte en lui le germe
De la libération.
Crie fort aigle de tous les combats
Crie fort la colère qui étouffe les injustices
Et dans ton tire d’aile complice
Rabaisse les caquets et ferme les portes
De ceux qui complotent contre nature.
La mer a dessiné un ourlet sur mesure
A l’océan qui, pris sur le vif
Veut en découdre avec le désert
Lui voler des parcelles de ses terres.
Mordent, mordent, mordent
Les vagues éméchées, ivres de la tendre écume
De leur parole haut perchée
Croquent, croquent, croquent
Les vagues, petits soldats de mousse et de vertu
Bien alignées contre les vents et les marées
Brisent une à une les barrières
Sautent le pas et puis d’un élan mouillé
Inondent le désert complice.
J’ai perdu mon oud dans la temporalité inquiète
Du bout du monde habillé en multiples teintes.
L’oud est une barque, un bateau pour s’enfuir
Une luge pour glisser sur le sable
Une caravane pressée d’arriver à son but
Et boire le thé à la menthe.
L’oud est le passager des notes vives
Il est le messager des mots qui se veulent solidaires
Il est le dessinateur du son
Le technicien de la lumière et de ses oreilles grandes ouvertes
Sort un son si beau et si doux
Que chacun sur terre se plie à sa volonté
Chacun écoute le son du silence sucré
Du vœu de sincérité
Du souhait d’accompagnement de ton attente
Du désir de hisser haute la volonté de te voir un jour
Enfin, libre.
Carole Radureau (21/01/2016)
A Georges Ibrahim Abdallah
Bjørn Christian Tørrissen — Illustration from the book One for the Road by B.C. Tørrissen, also available from an online gallery, GFDL, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4383662