Publié le 29 Janvier 2019
Photographie prise à la frontière des Pyrénées-Orientales lors de l’exode des républicains espagnol en 1939. PAUL SENN, PFF, MBA BERNE. DÉP. GKS. © GKS, BERNE
Attachés à cet environnement
Souvent fort modeste
Emprunt de chaque heure de leur vie
Attachés à ce pays
Souvent ingrat mais
Pays qui a donné la vie
Attachés à ces valeurs
Portées modestement mais
Avec fierté :
Attachés, attachés, attachés ……puis……
Arrachés……
Arrachés à cette terre
La racine se brise
Ses doux filaments se perdent
Dans la brume
Brune.
Arrachés à cette maison
Ce nid
Brin après brin constitué
De choses utiles parfois agréables
De moments conviviaux
De liens tressés
Un à un
Patiemment tressés.
Arrachés
A ce paysage
Devenu soudain ténèbres
Devenu soudain enfer
Devenu soudain invivable.
Et des valeurs républicaines
Fortes belles et rebelles
Et des luttes pour la liberté
Fortes belles et rebelles
Et des idéaux d’une société de justice
D’égalité
Cette société dont ils ne veulent pas :
Leurs fusils et leurs crucifix
Eux c’est le sang qui parle le premier.
Alors ils font d’humbles paquets
Toute une vie dans une valise
Alors ils emportent bébés et petits enfants
La vieille maman le vieux papa
Alors ils font quelques provisions
Mais on oublie tant de choses
Sur la route
Nécessaires
Le bagage est trop maigre
Les chemins de ténèbres et de froids
Ponctués
La faim tiraille
La maladie tiraille
Le froid tiraille
Les soldats tiraillent
La guerre pique aux fesses des exilés
Longue colonne d’exilés
Visages émaciés
Carte de l’Espagne à sang et à peine
L’Espagne qui se vide de sa belle âme républicaine
L’Espagne qui saigne de ses membres.
Arrachés…..
Déracinés comme une plante endémique
Sauvagement extraite de sa terre-mère
Sauvagement emballée dans une feuille rugueuse et glaciale
Sauvagement éjectée vers un territoire hostile
Sauvagement jetée car on n’en veut plus
Sauvagement laissée à elle-même
Et vaille que vaille
La vie si elle le désire s’accroche à des lambeaux
La force de la vie est un nerf parfois rude à briser
Et dans la tête
Ce qui est resté derrière
Si brutalement abandonné
Devient une île de beauté
Un ailleurs autrefois sien
D’une grande pureté :
Un jour c’est sûr on y retournera
Ce sera le voyage du retour en amour
Un jour on reverra sa terre-mère aimée
Ce sera un jour nouveau
Sans haine ni furie
Un jour de renaissance à la vie
Un jour
La plante fixera à nouveau sa racine-mère en terre
Elle boira l’azote pur à la paille précieuse de son exil
Elle tétera le potassium avec un biberon de patience
Elle digérera le phosphore grâce à ses sucs indigènes
Un jour la plante arrachée
Deviendra ce magnifique rosier :
Le rosier de l’espérance (Rosa-Esperanza).
Carole Radureau (29/01/2019)