Publié le 30 Avril 2016

Abya Yala

Je vais te chanter mes frontières
Mon eau sucrée mes monts salés
Je vais te dire comme la lumière
Dans mes yeux brille. Bille d’acier

Je vais te dire comme j’étais avant
Avant qu’ils ne fassent la conquête
Donnant un surnom bien moins savant
Un nom usurpé un nom d’opérette

Les Kunas mon peuple du Panama
Avaient une expression. Il faut la retrouver
Ils disaient Notre terre c’est Abya Yala
Voilà, c’est clair ça parle une langue gaie :

Une terre dans sa pleine maturité
C’est ainsi que les mots la disent
Une terre telle une femme développée
Généreuse en son fruit, c’est une friandise

Nous la croquons et puis nous disons merci
Nous prélevons son don, juste ce qu’il nous faut
Nous regardons ses formes épanouies
Nous la fêtons, la dansons, la terre est notre cadeau

Ici autrefois on pouvait encore rêver
Dessiner un contour aux libres tronçons
Ici autrefois on pouvait naviguer
Boire à même la roche une eau de coton

C’était félicité que notre territoire
Oh ! Pas toujours si rose mais c’était à nous
Le sang était avare et l’on pouvait croire
Qu’il resterait caché. Tel un bijou

Ils nous ont pris nos vies et ils nous ont parqués
Bétail, esclave, alcool, drogue, misère et sans un cri
On s’est battus, on s’est insurgés, on s’est révoltés
L’acier contre les flèches, les bisons face à leurs fusils

On n’a pas fait un pli
On n’a pas fait un bruit
Leur langue fut apprise
Leur religion coula dans nos veines
Assimilation
Sédentarisation
Abandon des coutumes
Perte de traditions
Un grand flou
Un grand virage nocif
Une vaste épidémie
Destructrice, criminelle
Une nébuleuse cauchemardesque
Un horizon gris (fumée, pollution)
Nos eaux souillées
Nos terres souillées
Notre air souillé
Nos gènes souillés
Notre dignité souillée
Notre héritage souillé
Nos enfants souillés
Nos vies……
***//***
Ils ne nous ont pas tout pris.
Une lumière, une veilleuse
En chacun de nos peuples
Il faut savoir l’entretenir
La ressortir
Souffler sur elle avec force et tendresse
Instiller sa flamme dans chaque veine
Perfuser la langue, perfuser du sang d’Abya Yala
Ressortir les rêves, les belles pensées
Les prières de merci, celles pour la pluie, celles pour le maïs
Apprendre à parler aux cerfs, à caresser le tapir
A nourrir les aras, les aigles harpies, les petits singes
Ici un canoë à dessiner sur le sable
Ici une hutte à sudation, un temazcal
Ici une milpa en devenir
Ici les trois sœurs réunies
Il faut se réapproprier notre passé nos belles traditions
Les hisser sur la hutte leur donner du brillant :

Là-bas en Occident ils jalousent déjà toutes nos sciences
Ils veulent les savoirs de nos selvas
Ils veulent les secrets de la stévia
Et ceux de l’ayahuasca et ceux qui font planer
Ils veulent coucher sous nos huttes de feuilles
Participer aux rites
Découvrir les remèdes à leurs maux.
Là-bas en Occident
Ils veulent découvrir comment on lit les dessins du ciel
Et ceux des messages de fumée
Comment les rêves viennent submerger celui qui dans un hamac
Détend sa colonne
Ils veulent sentir avec nos narines
Voir avec nos yeux
Toucher avec nos mains
Entendre avec nos oreilles
Et conjuguer avec nos cœurs
Ce mot si rare, si vrai, si beau
Qui leur fait défaut et qu’ils ne peuvent acheter
Et que notre terre, Abya Yala sait décliner :
Ce mot c’est : LIBERTE.

Carole Radureau (27/04/2016)

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Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Terre-mère

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Publié le 23 Avril 2016

Nouveautés à découvrir de Pablo Neruda

Deux livres à conseiller à ceux qui aiment lire Neruda.

Le premier que j’ai trouvé aux éditions Le temps des cerises est une version française de Chanson de geste, Canción de gesta, un grand poème qui était encore inédit en français.

Pablo l’a écrit alors qu’il était à bord du paquebot Louis Lumière au printemps 1960 et l’a conçu comme une épopée : c’est celle du combat de l’Amérique latine pour la liberté, dans les caraïbes plus particulièrement.

Ce poème salue la révolution cubaine qui vient d’avoir lieu en 1959, les luttes démocratiques au Nicaragua, il proteste contre le sort de Puerto Rico, Puerto pobre (port misère) comme il le nomme.

Cette version bilingue est fort utile pour qui commence à déchiffrer la langue espagnole mais c’est aussi une ouverture. En effet, je comprends déjà les nuances que ne permettent pas la traduction et je prends beaucoup de plaisir à lire, lire et relire ce livre en espagnol ainsi que celui qui suit.

En effet, pour moi comprendre la langue de Pablo et des autres poètes hispaniques, comprendre également la langue qui a été imposée aux peuples d’Abya Yala, c’était une nécessité que je me devais d’accomplir . J’avais tellement envie de me mettre à leur niveau, de les traduire, de les accueillir sur le seuil de ma vie en leur tendant les bras à ma façon.

Ce livre qui célèbre Cuba et tout ce qui a pu profiter d’avancées progressistes en suivant l’exemple de la révolution cubaine en Amérique latine est important en tant que devoir de mémoire en ces heures troubles où les pays progressistes tombent les uns après les autres sous les coups de butoir pilotés par les yankees. Depuis la mort de Chavez, une brèche s’est creusée, évidente et elle a profité aux semeurs de troubles appuyés par des médias internationaux à leurs ordres.

Même si tout n’est pas parfait ni conforme à nos attentes, les pays qui s’étaient dotés de présidents de « gauche » pour en finir avec les dictatures, la pauvreté et toutes les misères dues à la colonisation ont malgré tout apporté autre chose que ce dont des gouvernements de droite peuvent produire pour les peuples. Certes, je ne me sens pas vraiment proche de ses gouvernants en dehors d’un ou deux car ma connaissance des peuples indigènes et de leurs soucis dans les pays concernés ne me font pas voir de réelles avancées pour eux et c’est ainsi en même temps qu’en tant que défenseure de l’environnement que je me permets de les juger.

Pour autant le retour à de la droite corrompue et aux ordres des USA ne peut apporter que plus de misère, il n’est que de regarder l’exemple du Mexique ,du Guatemala et de la Colombie.

Nouveautés à découvrir de Pablo Neruda

Le deuxième livre s’appelle Tes pieds je les touche dans l’ombre, poèmes retrouvés.

Ce titre reprend le début d’un des poèmes qui ont été retrouvés au cours d’un travail d’archive et qui avaient échappés certainement à la relecture de Matilde. La fondation Pablo Neruda les a regroupés en un volume qui comprend également des facs similés de la main de Pablo.

Ces textes ont été écrits entre 1956 et 1973, la plupart étaient sans doute destinés aux odes élémentaires.

La traduction est bien différente de celle dont nous sommes habitués, celle de Claude Couffon ce grand traducteur de la langue, grand connaisseur des poètes. Il nous a quitté en 2003 et l'on mesure encore à peine la place vacante qu'il laisse.

Ces hommes-là, fidèles transcripteurs de poésie, inlassables traceurs de mots et de la vérité (celle du poète) sont des dons de la vie et on les oublie un peu trop souvent.

Sans eux, je n'ose imaginer ce que nous aurions perdu : avec Couffon, c'est une partie de l'oeuvre de Neruda, mais il a traduit également Nicolas Guillen, un autre grand poète de la même époque, Rafael Alberti un grand ami de Pablo, Miguel Angel Asturias, Gabriel Garcia Marquez, l'écrivain, Luis Mizón, un poète chilien à découvrir et d'autres encore.

Je profite de cet article pour lui rendre hommage alors que ces deux ouvrages présentés ci-dessus, il ne les a pas découvert.

Je vous laisse donc découvrir les extraits de ces livres.

UNE MINUTE CHANTEE POUR LA SIERRA MAESTRA

Si on demande le silence en disant au revoir
aux nôtres lorsqu’ils retournent à la terre,
je vais demander une minute sonore,
pour une fois toute la voix de l’Amérique ;
je ne demande qu’une minute de chant profond
en l’honneur de la Sierra Maestra.
Oublions les hommes pour l’instant :
parmi tant de terres, honorons celle qui a gardé
dans sa montagne mystérieuse
l’étincelle qui brûlerait dans la prairie.
Je célèbre les ramures brutales,
le dur dortoir des pierres,
la nuit aux rumeurs indécises
avec la palpitation des étoiles,
le silence dénudé des monts,
l’énigme d’un peuple sans drapeaux :
jusqu’à ce que tout commença à battre
et tout s’alluma tel un bûcher.
Invincibles les barbus sont descendus
pour établir la paix sur terre
et à présent tout est clair, mais alors
tout était sombre dans la Sierra Maestra :
pour cela je demande cette minute unanime
pour chanter cette Chanson de geste
et je commence avec ces mots
pour qu’ils soient répétés en Amérique :
Ouvrez-les yeux, peuples offensés,
la Sierra Maestra est partout.

Pablo Neruda, Chanson de geste

Nouveautés à découvrir de Pablo Neruda

(…)La loi de la pluie a été de changer la substance
des pleurs, de tomber et faire monter, d’éduquer l’amer silence
avec des lances que le vent et que le temps transforment en
feuilles et parfums
et l’on sait bien que le jour enthousiaste courant sur son char de blé
est le mouvement fleuri d’un sicle d’ombre sur le monde
et je me demande si tu ne travailles pas en tissant l’étain secret
du blanc navire qui traverse la nuit obscure
ou si de ton sang minuscule ne naît pas la couleur de la pêche
si ce ne sont pas tes mains profondes qui font couler les fleuves
si tes yeux ouverts au milieu du ciel en été
font du soleil à la terre tomber sa jaune épée
alors traversant l’incitation de ta cime son éclair parcourt
sables, corolles, volcans, jasmins, déserts, racines
et porte ton essence aux œufs de la forêt, à la rose furieuse
des hannetons, guêpes, lions, serpents, faucons
et ils mordent et piquent et clouent et brisent tes yeux qui pleurent
car ce fut ta semence sur la terre, ton ovaire impétueux
qui répandit sur la terre la langue du soleil en furie (…)

Pablo Neruda (poème n° 4 du recueil Tes pieds je les touche dans l’ombre)

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Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Aragonite

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Publié le 16 Avril 2016

La sueur de mon front le sang de mon dos le don de ma vie

Par William L. Sheppard — The Library of Congress, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=518942

Ici la sueur de mon front a perlé
Goutte d’amertume
Goutte imposée
Elle a déposé sur le sol de l’Amérique
Autant de fertilisant
Que les siècles en ont en réserve
Que mes sueurs sont lourdes
Quand j’y pense
Elles ne seront jamais récompensées……

Ici le sang de mon dos a coulé
Larges sillons telles des routes de misère
Le fouet on le connaissait ce frère
Seul à caresser nos croupes
Ennemi furieux matière première
Dans les mains d’incapables
Par la force leur seule arme vraie

Ici sur ce sol j’ai fais don de ma vie
Non pas don de bon cœur
Don arraché aux forceps de la douleur
J’ai trimé dans les plantations
J’ai bossé dans les mines
J’ai fais le serviteur de ces bonnes gens
J’ai été méprisé pour ma couleur
Ils disaient que nous n’étions pas humains
Juste de la chair à exploiter
Mais nous avons construit, oui construit
Leurs immenses fortunes
Leur capitalisme puant qui détruit la planète

Nous avons construit cela pour eux
Et nous, qu’avons-nous pour vivre décemment ?
Des ghettos des injures des prisons la rue pour seule maison
Jamais les choses ne changent
Quand elles bougent c’est de si peu que
Nos yeux n’ont même pas le temps
De perler une larme d’espoir
Quand elles bougent elles retombent de travers
Et c’est reparti pour un siècle
De discriminations

Ici j’ai perlé ma sueur
Ici j’ai sué mon sang
Ici je suis mort
Ce n’était pas mon pays
Je l’ai irrigué pourtant
Et vous ?
Qu’avez-vous fait pour lui ?

Carole Radureau (15/04/2016)

Extrait d’Une histoire populaire des Etats-Unis d’Howard Zinn

 

Henry Mac Teal Turner, un noir érudit avait été élu après la guerre, dans la première législature de Géorgie. En 1868, la chambre des représentants de Géorgie décide d’expulser tous ses membres noirs – deux sénateurs et 25 représentants à la chambre. Turner y fit un discours qu’une étudiante noire de l’université d’Atlanta exhuma plus tard.

« Monsieur le rapporteur, (…), je souhaite bien faire entendre ma position à la chambre. Je me considère comme membre à part entière de ce corps. Aussi, monsieur, je ne vais pas ramper et je ne flatterai aucun parti. Pas plus que je ne mendierai pour qu’on reconnaisse mes droits. (…) Je suis ici pour exiger ces droits et pour vitupérer ceux qui oseraient discuter mon appartenance à l’espèce humaine. (…) La comédie que joue cette chambre aujourd’hui est sans exemple dans l’histoire du monde. (…) Jamais dans toute l’histoire de l’humanité un homme n’a été contraint de comparaître devant un corps pour des fonctions tant législatives que judiciaires et exécutives pour y répondre du crime d’avoir le teint plus sombre que celui de ses collègues. (…) Il fallait qu’il revienne à l’état de Géorgie, en plein XIXe siècle, de faire comparaître un homme à la barre pour lui faire reproche d’un fait dont il n’est pas plus responsable que de la tête qu’il porte sur les épaules. La race anglo-saxonne est décidément fort étonnante. (…) Je ne m’étais pas rendu compte qu’il y avait dans le caractère de cette race autant de lâcheté et de pusillanimité. (…) Je vous le dis, monsieur, c’est là une question qui ne trouvera pas de solution aujourd’hui. Cet événement passera à la postérité dans les âges à venir et tant que le soleil continuera à gravir les collines du ciel. (…) On prétend ici que si les noirs veulent absolument s’exprimer ils doivent le faire par le biais des trompettes blanches. Si les noirs veulent exprimer leurs sentiments, ils doivent les travestir et les transmettre par l’intermédiaire de messagers blancs qui chicaneront, équivoqueront et s’évanouiront aussi vite que le temps qui passe. (…) La seule grand question est la suivante : suis-je ou non un homme ? Si j’en suis un, alors j’en revendique les droits. (…) En effet, monsieur, bien que nous ne soyons pas blancs, nous avons fait beaucoup. Nous avons bâti cette civilisation-ci. Nous avons construit votre pays. Nous avons travaillé dans vos champs et rempli vos granges durant deux cent cinquante années ! Et que nous demandons-vous en retour ? Exigeons-nous que vous rachetiez la sueur que nos pères ont versées pour vous , les larmes que vous avez causées, les cœurs que vous avez brisés, les vies que vous avez prises et le sang que vous avez répandu ? Crions-nous vengeance ? Non. Nous souhaitons laisser ce passé mort enterrer les morts passés. Ce que nous voulons, aujourd’hui ce sont nos droits ! »

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Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Onyx noir

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Publié le 9 Avril 2016

….et bien malin qui peut dire de quelle couleur, de quelle nuance ou de quel ton est sa pensée au moment même où le mot jaillit comme un éclair, comme un miracle sur la feuille, sous ses yeux.

Le poète écrit et rien ne veut dire ce que  le texte ne veut pas dire.

Il dit cela que la muse lui souffle à l’oreille.

Il n’est sans doute pas conscient quand celle-ci récite les mots et que lui, les retranscrit.

Pourtant, le poète écrit et parfois il dit ce qu’il pense.

Pourtant, le poète écrit et souvent il dit ce qu’il a sur le cœur.

Mais, tout philosophe que soit le philosophe, tout analyste que soit l’analyste, tout journaliste que soit le journaliste, il ne sait pas ce que veut dire vraiment le poète et ce qui a lui-même a échappé, qui peut dire qu’il l’a attrapé ?

Les mots ont un sens mais dans la poésie, ils en ont mille.

Le mot a un contour et des formes, un paysage multiple, sans cesse renouvelé par la poésie.

Le mot est un magicien qui se transforme au gré des pages, au gré des textes, au gré des modelages que l’esprit lui inspire.

La poésie a de la force.

C’est sans doute elle qui peut faire peur, qui peut provoquer la colère, la haine, la jalousie ou le mépris.

La poésie a de l’énergie.

C’est sans doute elle qui imprime un souffle qui fait aimer, détester ou ignorer un texte.

Le poète est un scribe au service des mots.

Mais les mots ne sont jamais communs, ils ont un plus que seule la poésie peut leur donner.

Un mot, une muse, une énergie, une main pour écrire.

Il n’y a pas de procès, il n’y a pas de mauvaises intentions.

On lit, on aime, on garde dans sa mémoire des fragments comme autant de fleurs qui embaument ou de sucre qui répand sa chaleur.

On lit, on déteste et on tourne la page. On l’oublie.

On lit, on ne peut pas finir car cela fauche la lecture comme un croche-pied.

Tant pis, ce sera pour une autre fois.

Mais il convient d’essayer à nouveau.

La poésie est difficile à lire. Il faut toquer à sa porte avant d’entrer.

Lui demander si elle veut bien de nous, de notre analyse, de notre sentiment, de notre attention, de notre tendresse.

Et quand elle ouvre la porte, on peut entrer dans l’univers de la magie comme un clown entre sur la piste en se prenant parfois les pieds dans le tapis mais il entre, triste ou gai, il mime son message, il envoie une onde et chacun la reçoit comme il a envie de la recevoir. La synthétise, l’assimile, la rejette ou la renie.

Mais, en tout ceci, et en toute éternité, le poète a toujours raison.

Surtout quand il a pour nom, Mahmoud Darwich.

Carole Radureau (09/04/2016)

5.
Vous qui passez parmi les paroles passagères
Il est temps que vous partiez
Et que vous vous fixiez où bon vous semble
Mais ne vous fixez pas parmi nous
Il est temps que vous partiez
Que vous mouriez où bon vous semble
Mais ne mourrez pas parmi nous
Nous avons à faire dans notre terre
Ici, nous avons le passé
La voix inaugurale de la vie
Et nous y avons le présent, le présent et l’avenir
Nous y avons l’ici-bas et l’au-delà
Alors, sortez de notre terre
De notre terre ferme, de notre mer
De notre blé, de notre sel, de notre blessure
De toute chose, sortez
Des souvenirs de la mémoire
ô vous qui passez parmi les paroles passagères

Mahmoud Darwich, Passants parmi les paroles passagères

Le poète a toujours raison….

Questions d’un journaliste israélien à Mahmoud Darwich (extraits de l’affaire du poème)

  • Avez-vous dit : « Sortez de notre blessure « ?
  • Je l’ai dit.
  • Pourquoi ?
  • Parce que ma blessure m’appartient. C’est une partie de mon identité. Y avez-vous droit ?
  • Non, mais nous avez-vous dit : « Sortez de notre blé » ?
  • Oui, je l’ai dit. Car mon blé est mon pain propre. Y avez-vous droit ?
  • Non, mais nous avez-vous dit : » Sortez de notre mer « ?
  • Oui, je l’ai dit. Et même « Sortez de l’air et de la terre occupée ».
  • Mais il n’y a pas de mer en terre occupée.
  • Ne connaissez-vous pas la carte de la terre que vous occupez ? Gaza est sur la mer.
  • Voulez-vous dire par là qu’il s’agit de la mer de Gaza ?
  • Cette mer s’appelle la Méditerranée, pas la mer de Gaza.
  • Voulez-vous dire que nous devrions nous noyer dans la mer ?
  • Je vous ai dit : « sortez de la mer ; je ne vous ai pas dit : « allez à la mer ».
  • Que voulez-vous dire par ces propos : « Vous qui passez dans la mer de mes paroles » ?
  • Je n’ai pas dit cela. J’ai dit : « Vous qui passez parmi les paroles ». il y a une petite différence entre le mot « mer », bahr, et le mot « parmi », bayn.
  • Maariv et d’autres organes d’information israéliens affirment que vous avez dit « mer des paroles ».
  • Je connais mieux mon poème que ne le connaissent les organes d’information. Et même si j’avais dit « mer des paroles, où serait le problème ?
  • Ce serait une invitation à nous jeter à la mer.
  • Vous me donnez envie de rire.
  • Avez-vous dit : « Nous avons ce qui n’est pas en vous, une patrie et un avenir « ?
  • Oui, je l’ai dit. En quoi cela vous choque-t-il ?
  • N’avons-nous pas une patrie et un avenir ?
  • Vous n’avez pas de patrie ni d’avenir dans l’occupation.
  • Dites-moi quel est votre pays ?
  • Mon pays, c’est mon pays, la Palestine.
  • Toute la Palestine ?
  • Oui. Toute la Palestine est mon pays. Quelqu’un vous a-t-il trompé en prétendant que la Palestine n’était pas mon pays ?
  • Non, mais c’est mon pays.
  • Vous, vous estimez que votre pays s’étend du Nil à l’Euphrate, alors que moi je pense que seule la Palestine est mon pays.
  • Et nous, quelles sont nos frontières ?
  • C’est à vous de dire quelles sont vos frontières, à l’intérieur de notre pays. Car les bottes du soldat occupant ne peuvent pas tenir lieu de frontières, comme le pensait le général Dayan. Nous, nous ne demandons pas quelle est notre patrie, parce que nous la connaissons très bien. Nous, nous demandons simplement sur quelle patrie de la terre de notre patrie sera fondé notre Etat. Nous, nous ne vous avons rien pris. Ce que nous prenons est à nous. Si vous vous retirez de chez nous pour retourner dans ce qui est à nous, cela ne veut pas dire pour autant que vous prenons quelque chose. Vous comprenez ?
  • Non, je ne comprends pas.

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Rédigé par caro et hobo

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Publié le 3 Avril 2016

Questions de cailloux

Où dorment les oiseaux ?
Dans la gouttière d’étain des réveils-matins ?

Combien de cailloux dans ma poche
Pour ne jamais me perdre ?

Qui ramasse les coquilles d’œufs
Quand les poussins ont dissous leur naissance ?

De quelle couleur est le caillou de la pervenche
Quand dans l’or de sa naissance elle a poussé son cri ?

Si les lendemains chantent
Combien de partition me reste-t-il à écrire cette nuit ?

Quand le rosier rosit et que ses feuilles rougissent
A qui pense-t-il pour de vrai ?

Si le granite est confus
Est-ce que c’est l’ardoise qui le trouble ?

Si je suis moi et que tu es toi,
A quelle heure passe le méridien de notre rencontre ?

Quel âge a la fougère qui n’a pas encore osé
Dérouler sa crosse de peur de la froisser ?

Si je parle en mapudungun aux pierres de mon chemin
Comprendront-elles la nuance ?

De quelle couleur est la pierre du cœur
Quand elle a rencontré sur sa route des veines grandes ouvertes ?

Si je suis moi et que je ne te connais pas
Dans quel marc de maté liras-tu mon nom ?

Comment savoir si le rouge-gorge est fille
Quand elle s’appelle aussi rouge-gorge ?

Si je me pose des questions
Pourquoi ne pas s’en poser ?

L’hirondelle a-t-elle un petit oreiller de glaise
Dans son nid douillet ?

Si j’écris avec un caillou dans la main
Ferais-je des fautes minérales ?

De l’horizon et du passé
Combien de fautes d’orthographe ?

Pourquoi les questions ne commencent-elles jamais
Par quand ?

La cloche du pehuen connaît-elle l’heure exacte
De la fusion entre le genêt et l’obsidienne ?

Si le merle a un bec jaune
Est-ce parce qu’il picore des citrons ?

Et si le merle avait le bec bleu
Aurait-il un avenir de turquoise ?

Si j’ai laissé ma valise sur le quai
Le train s’habillera-t-il de mes robes gitanes ?

Et dans mes vers, les rails connaissent-ils
La rime imparfaite du cœur et de la raison ?

Si je suis moi et que tu es toi
Pourquoi suis-je seule ?

Carole Radureau (22/03/2016)

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Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Aragonite

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