Publié le 16 Avril 2016
Par William L. Sheppard — The Library of Congress, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=518942
Ici la sueur de mon front a perlé
Goutte d’amertume
Goutte imposée
Elle a déposé sur le sol de l’Amérique
Autant de fertilisant
Que les siècles en ont en réserve
Que mes sueurs sont lourdes
Quand j’y pense
Elles ne seront jamais récompensées……
Ici le sang de mon dos a coulé
Larges sillons telles des routes de misère
Le fouet on le connaissait ce frère
Seul à caresser nos croupes
Ennemi furieux matière première
Dans les mains d’incapables
Par la force leur seule arme vraie
Ici sur ce sol j’ai fais don de ma vie
Non pas don de bon cœur
Don arraché aux forceps de la douleur
J’ai trimé dans les plantations
J’ai bossé dans les mines
J’ai fais le serviteur de ces bonnes gens
J’ai été méprisé pour ma couleur
Ils disaient que nous n’étions pas humains
Juste de la chair à exploiter
Mais nous avons construit, oui construit
Leurs immenses fortunes
Leur capitalisme puant qui détruit la planète
Nous avons construit cela pour eux
Et nous, qu’avons-nous pour vivre décemment ?
Des ghettos des injures des prisons la rue pour seule maison
Jamais les choses ne changent
Quand elles bougent c’est de si peu que
Nos yeux n’ont même pas le temps
De perler une larme d’espoir
Quand elles bougent elles retombent de travers
Et c’est reparti pour un siècle
De discriminations
Ici j’ai perlé ma sueur
Ici j’ai sué mon sang
Ici je suis mort
Ce n’était pas mon pays
Je l’ai irrigué pourtant
Et vous ?
Qu’avez-vous fait pour lui ?
Carole Radureau (15/04/2016)
Extrait d’Une histoire populaire des Etats-Unis d’Howard Zinn
Henry Mac Teal Turner, un noir érudit avait été élu après la guerre, dans la première législature de Géorgie. En 1868, la chambre des représentants de Géorgie décide d’expulser tous ses membres noirs – deux sénateurs et 25 représentants à la chambre. Turner y fit un discours qu’une étudiante noire de l’université d’Atlanta exhuma plus tard.
« Monsieur le rapporteur, (…), je souhaite bien faire entendre ma position à la chambre. Je me considère comme membre à part entière de ce corps. Aussi, monsieur, je ne vais pas ramper et je ne flatterai aucun parti. Pas plus que je ne mendierai pour qu’on reconnaisse mes droits. (…) Je suis ici pour exiger ces droits et pour vitupérer ceux qui oseraient discuter mon appartenance à l’espèce humaine. (…) La comédie que joue cette chambre aujourd’hui est sans exemple dans l’histoire du monde. (…) Jamais dans toute l’histoire de l’humanité un homme n’a été contraint de comparaître devant un corps pour des fonctions tant législatives que judiciaires et exécutives pour y répondre du crime d’avoir le teint plus sombre que celui de ses collègues. (…) Il fallait qu’il revienne à l’état de Géorgie, en plein XIXe siècle, de faire comparaître un homme à la barre pour lui faire reproche d’un fait dont il n’est pas plus responsable que de la tête qu’il porte sur les épaules. La race anglo-saxonne est décidément fort étonnante. (…) Je ne m’étais pas rendu compte qu’il y avait dans le caractère de cette race autant de lâcheté et de pusillanimité. (…) Je vous le dis, monsieur, c’est là une question qui ne trouvera pas de solution aujourd’hui. Cet événement passera à la postérité dans les âges à venir et tant que le soleil continuera à gravir les collines du ciel. (…) On prétend ici que si les noirs veulent absolument s’exprimer ils doivent le faire par le biais des trompettes blanches. Si les noirs veulent exprimer leurs sentiments, ils doivent les travestir et les transmettre par l’intermédiaire de messagers blancs qui chicaneront, équivoqueront et s’évanouiront aussi vite que le temps qui passe. (…) La seule grand question est la suivante : suis-je ou non un homme ? Si j’en suis un, alors j’en revendique les droits. (…) En effet, monsieur, bien que nous ne soyons pas blancs, nous avons fait beaucoup. Nous avons bâti cette civilisation-ci. Nous avons construit votre pays. Nous avons travaillé dans vos champs et rempli vos granges durant deux cent cinquante années ! Et que nous demandons-vous en retour ? Exigeons-nous que vous rachetiez la sueur que nos pères ont versées pour vous , les larmes que vous avez causées, les cœurs que vous avez brisés, les vies que vous avez prises et le sang que vous avez répandu ? Crions-nous vengeance ? Non. Nous souhaitons laisser ce passé mort enterrer les morts passés. Ce que nous voulons, aujourd’hui ce sont nos droits ! »