Publié le 28 Janvier 2017
Ils avaient vendu leur âme au diable
Ils avaient déposé sur l’injure
Leur front
Et sur la hanche encore tiède de la patrie
Des meurtrissures profondes
Une dague d’argent cruellement enfoncée
Laissait s’écouler des perles de vie
Laissait couler des larmes de vigne rouge.
Oubliée la stature imposante
Les épées verdoyantes telles des lames offertes à la défense du pays
Oubliée la magnifique épopée stellaire
Dans le sein de la lune reposait
La goutte de l’araucaria et sa neige dérobée.
Oubliée l’étoile pure
Le gant profond
L’écorce tuméfiée du canelo
Le bois sacré qui dirigeait le peuple Mapuche
Sous le don de son économie.
Le coquelicot avait envoyé son message de sang
Sa jupe écarlate
Dans un éclat de volonté
Et quelques étincelles avaient brillé
Qui n’étaient pas celles qui mettent le feu aux poudres.
Dans sa bonté le boldo pleurait des larmes de jaspe
Son thé ne supportait pas d’être bu sous le feu des sacrifices
Et l’ulmo au nectar qui rendait folles les abeilles
Avait écrit sur l’argile des temps perdu
Un message échevelé.
Les nothofagus étaient des hêtres d’exception :
Leur feuillage sentait bon les contrées au sang profond
Coihue évident dans le vent se dessinait ton harmonie
Lenga au bois décisif
Lenga aux coloris déclinant l’été austral
La terre était fière de porter tes frères.
Dans l’ombre épanouie et généreuse des sous-bois
Se tapissait l’alerce et son écorce endormie au formol
En danger était le géant lahuen et il ne voulait pas faire d’ombre à son cousin
D’Amérique le séquoia.
Dans son négligé de volupté
Sonnait la cloche fière le lait d’avoine du copihue
C’était sa cloche qui avait donné l’alerte
L’alerce avait crié
L’araucaria s’était fâché
L’armée des arbres sacrés de la forêt native
Avaient juré que bon sang ne peut mentir :
Ces intrusions, ces exotiques sur leur sol
Ne pouvaient vivre
Très longtemps :
Monoculture-injure
Monoculture-fric sale
Les cousins des tropiques avaient une robe sensible aux flammes
Leur bois épris des airs n’étaient plus que nuages.
C’est ainsi que brûlent jour après jour
Les apports capitalistes des hommes sur le cœur de la terre-mère
C’est ainsi que partent en fumée les capitaux maudits :
Pas une journée sans que le Chili ne s’enflamme
Pas un jour sans que pleurent la terre et les hommes innocents.
Dans sa voracité impérialiste
Dans sa soif de toujours plus
Le pilleur plante pille et brûle
Le pilleur plante pollue et replante
Chaque parcelle est un plus de gagné sur la terre native
Chaque parcelle est une torche en devenir.
Ils peuvent trouver des responsables faciles
Ils peuvent chercher d’où vient le vent
Dans sa chair la mère-terre a repris ses droits
Et ses fonctions vitales ont une saine parole :
C’est la régénération.
La justice naturelle pour l’insulte faite en son nom.
Dans l’ignoble attitude des conquérants
Dans la criminelle attitude des pilleurs
La noblesse des forêts relève sa tête
Elle pointe du doigt.
La terre est belle et féconde quand on la respecte
Les peuples originaires n’en souillent pas le sang
La planète est riche et prospère
Quand on respecte son état des lieux.
Carole Radureau (28/01/2017)