Publié le 25 Mars 2025
Autrefois j’ai beaucoup écrit sur les fleurs de cerisiers. Avec le recul, je me rends compte que nous vivions un temps d’insouciance, d’où la nécessité d’être sans cesse, si possible, dans le moment présent pour en avoir réellement conscience. Je me dis souvent, ces derniers mois, que je ne retrouve plus l’ascenseur émotionnel qui me connectait parfaitement à la nature et au cosmos et qui me guidait dans mon écriture. Pourtant la nature est fidèle à elle-même suivant son cycle, malgré toutes les horreurs que lui font subir les hommes, la nature en cela devrait être un exemple pour nous. Continuer de vivre notre cycle sans trop paraître perturbés, ce qui n’empêche pas l’empathie et la compassion pour toutes les victimes de la triste période.
Le printemps est là et tout resplendit
Malgré le soleil (soudain trop chaud)
Malgré la pluie (soudain trop violente)
Malgré les écarts de température
« Tu te plains tout le temps » me dirait-on
C’est qu’avec pour bagage
Age et maladie
Le temps c’est un mouvement
Qui peut faire vaciller.
Le printemps est là et tout reverdit
Vite, trop vite les feuilles sont apparues
J’ai raté les clichés de leurs petites mains
Toutes fraîches, toutes neuves
Qui s’ouvraient
Comme une prière au ciel.
Le printemps est là et le cerisier nouveau aussi
Les fleurs de cerisier dans le jardin
Retrouvent leur place
Ça fait du bien !
Le rose poudreux, le rose rêveux, le rose de la poésie
Sans fard ni nuance, avec cœur et évidence
Reparaît non comme par magie
Sinon par choix, un vide à combler
Et ça fait du bien.
Chaque année le printemps se vit en accéléré
Trop chaud trop d’eau, tout explose
C’est très beau, trop rapide
J’ai le sentiment que tout est gâché
J’ai le sentiment de ne plus retrouver la saison
Telle qu’elle était autrefois
Je n’arrive plus à trouver ma place dans les saisons
Suis-je trop vieille ?
Suis-je trop sensée ?
Suis-je trop connectée ?
Souvent, j’ai l’impression que mon calendrier
A 2 mois d’avance
Souvent en mars, j’avance comme en mai
Mon organisme est resté avec sa mémoire d’autrefois
Moi, avec lui dans cet état d’esprit
J’avance à reculons
La poésie s’en ressent.
La poésie se ressent de mon état et de l’état de la nature
La poésie se ressent de l’état du monde et de la souffrance
La souffrance de la terre, des animaux, des arbres, des gens, des rivières
Qui est la même souffrance, ni plus, ni moins, la même
Car tout est à égalité sur cette terre
Même si l’on nous fait croire
Même si l’on nous montre le contraire.
J’ai réalisé avec le conflit en Palestine
J’ai réalisé avec la crise du COVID
J’ai réalisé avec la montée internationale du fascisme
Que je n’étais pas une poétesse des moments de douleur
Et je suis triste de penser que peut-être
Si j’avais été prisonnière ou dans des camps
Je n’aurais pas pu m’exprimer avec mes mots
Comme l’on fait des poètes que j’admire
Dans ces conditions terribles.
Le printemps est là et la tristesse aussi
Il faut avancer de rebond en rebond
Sans aucune perspective
Juste se satisfaire de son moment présent
Si celui-ci n’est pas trop douloureux.
Tout pousse à la vie, au rose
A la saison prochaine des roses
Aux bébés oiseaux qui naîtront
Au chant du merle et de Georges
Tout pousse comme la sève à l’émergence
Il faut suivre ce train imprégné de chlorophylle
Se laisser tendre la main des arbres et la saisir
Vigoureusement
Il faut se laisser émouvoir par le retour des pissenlits
Et par le rire du pic vert.
Carole Radureau (25/03/2025)