Publié le 15 Mars 2023
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Honoré Daumier, Gargantua, 1831
Ils n’ont pas que la petite cuillère en argent
Dans la bouche
Dès leur naissance
Ils ont aussi Les fleurs du mal à l’âme et
Des lames de rasoir
Cachées
Sous chacun de leurs ongles.
Ils n’ont aucune idée de ce qu’est l’amour.
Avancer coûte que coûte
Sans savoir même ce que cela coûte
Tout vouloir défoncer.
Ils ne pensent pas.
Ils ne pensent pas
Sinon à leurs seuls intérêts
Pourquoi vouloir les changer
Pourquoi vouloir leur faire comprendre ?
Ils vivent dans un autre monde.
Ce sont des hors-sols.
Ils n’ont jamais touché la délicatesse d’une main d’enfant
Ni la soie profonde de la main ridée de l’ancienne
Qui a connu tant de brimades en tant que femme
Qui est celle qui a mis au monde
Le peuple-même
Elle a tout enfanté
Mère, fille, grand-mère, enfant de la Terre-Mère
Elle a reçu le don elle a reçu les fouets.
Ils ne savent pas entendre la musique du cœur.
Le blues qui décrit la vie
Ils n’ont jamais de blues
Ce mot leur est inconnu
Ils ne connaissent qu’un mot : économie
Ils ne savent conjuguer qu’un verbe : profiter.
Qu’en ont-ils à faire du labeur, des fins de mois difficiles ?
Des souffrances
De la véritable et urgente nécessité de ne pas crever au boulot
Qu’en ont-ils à faire du quotidien des gens ?
Trop coincés avec la petite cuillère en argent.
Ils ne savent pas sourire.
La vie les a coincés entre la table mise (argenterie cristallerie verroterie nappe immaculée)
Et le bureau où se serrent les réformes (entre ici et le quatre heure maudit)
Qu’en ont-ils à faire des gueux ?
Grands maîtres en retournement d’éléments de langage
Ils n’ont jamais honte :
Mais comment font-ils ?
N’y a-t-il pas une petite musique en eux
Qui résonne le matin, petit blues délavé
Pour renvoyer dans le miroir leur face corrompue ?
Avançant sur des trottoirs de vertu
Jamais ils ne croisent la crotte de chien qui est à leur image
Ils ne savent pas ce que c’est que se baisser
Se taper des corvées
Compter uniquement sur ses propres mains.
La vie leur a déroulé ce qu’ils pensent être une voie royale
Toute tracée
Vers un idéal de misère
Leur ego est trop puissant pour leur permettre
Un jour, de s’éveiller
Un peu, ils nous feraient pitié.
Si seulement
Ils ne faisaient pas tant de mal
Ce mal irréparable qu’ils emporteront dans leur paradis
Cette pacotille où la bourgeoisie
S’est étouffée au bout du compte
En avalant sa petite cuillère en argent comptant.
Les ordures les feront-ils plier ?
Les rats, peut-être, nos auxiliaires
Les feront-ils plier ?
Il n’est pas né celui qui aime creuser dans l’ordure latente
Même avec une cuillère d’argent.
Carole Radureau (14/03/2023)
le petit blues à écouter pour apaiser la tension