Publié le 22 Décembre 2019
On l’avait bâti là
Evidemment il y avait de la neige, là
Sinon lui
N’existerait pas
On lui avait collé un vieux feutre fané
Noir de suie
Qui traînait à la cave sur la tête
Une carotte ramollie en guise de nez
Et deux cailloux ronds pour qu’il voit l’avenir.
Et il trônait
On l’admirait
On s’habituait à lui quoi que l’on fasse.
Parfois l’air était plus chaud
Il se mettait à fondre en quelques larmes givrées
Le lendemain le froid était plus vif
Sa robe devenait de cristal
Comme une banquise
Comme une calotte glaciaire.
De ces yeux minéraux il regardait le monde
Dans sa tête de neige ses pensées tournaient
Tournaient et se tournaient vers une vie au soleil
Tiens, à Cuba par exemple
Cuba avec ses vieilles voitures multicolores
Ses gens qui dansent sans cesse
La joie de vivre
La musique, les habanitos et surtout
Cuba le soleil.
Il se disait dans ma valise j’emporterai
Le rien de ma vie d’ici
Ni le vent ni la brise ni le froid ni l’indifférence
J’emporterai ma petite innocence
Quelques confidences déposées par de petits enfants
Dans la caverne neigeuse qui me sert d’oreille
J’emporterai ma tonne d’espoir
Mon désir d’Etre
Ma trousse de secours de la pleine conscience.
Je débarquerai à Cuba
Peut-être ne resterai-t-il de moi
Qu’une flaque somptueuse
Un dégradé de son et de lumière couleur poussière d’ici
Mais le feutre fané, la carotte et mes deux yeux de pierre
Eux ne fonderaient pas.
Avec eux reconstruire à Cuba un bonhomme de soleil
Un bonhomme qui troque son feutre fané contre un panama
Qui troque la carotte de son nez contre une racine de manioc
Et ses deux yeux de pierre restent éveillés.
Si je devenais un bonhomme de soleil qui accueille les oiseaux
Un qui dit : Bonjour troglodyte de Zapata, bec-en-croc de Cuba
Oiseau bleu-blanc-rouge (trogon de Cuba)
Me voici, votre ami
Le bonhomme qui tous les jours sourit à la vie
Car la vie rime avec joie et la joie rime avec soleil.
Je quittai le froid pour vous tendre ma tendre épaule
Ma main de soleil chaude à s’y méprendre
Pour vous offrir un sourire qui sait ce que c’est que d’avoir froid
De regarder par la lucarne de la vie le soleil à Cuba.
Je vous offrirai toutes mes pensées étudiées
Ma raison de vivre mon espoir de sauvegarde des espèces
Ici je serai le bonhomme soleil qui hisse la bannière du monde
Comme un étendard pour les amis oiseaux.
Je serai le bonhomme qui a réalisé son vœu
Qui a refusé l’avenir de flaque
Transformant ses yeux
Les tournant vers le rêve
Les tournant vers la réalisation.
Carole Radureau (22/12/2019)