aragonite

Publié le 30 Novembre 2020

 

Il y a des personnes qui nous touchent

Au plus profond de nous

Et même sans les connaître on les connaît

Il y a dans notre cœur une porte

Qui s’est ouverte pour eux.

 

C’est un être de lumière

Un distributeur de tendresse

Un rayonneur

Un troubadour à la voix de velours

Il a donné à l’humanité sa nature profonde

Et tout l’éclat de son message

Par la chanson, porté aux 4 coins du monde.

 

Il y a des êtres lumineux

Eternellement éternels et

Ceux qui les ont fauchés

N’y sont pas étrangers

On les regarde on les écoute

Une beauté terrible et essentielle vient en notre âme

Planter une flèche à jamais

C’est répétable à merci

Est-ce de connaître leur terrible destinée

Qui nous les rend émouvants, attachants, si chers ?

 

Il est des êtres qui nous marquent à jamais

Et l’un d’entre eux

C’est Víctor Jara.

 

Carole Radureau (30/11/2020)

 

Voir les commentaires

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Aragonite

Repost0

Publié le 18 Octobre 2020

Et la colombe a dit :
Je suis heureuse. Sous l'immense ciel,
Sur l'arbre en fleurs, près de la pomme rose
Pleine de miel, à côté du doux rejeton
Et humide des gouttes de rosée,
J'ai mon foyer. Et je vole
Avec mon désir d'oiseau,
De mon arbre bien-aimé
Jusqu'à la lointaine forêt,
Quand, à l'hymne agréable
Au réveil de l'Oriente,
L'aube se lève nue et montre au monde
La pudeur de la lumière sur son front.
Mon aile est blanche et soyeuse ;
La lumière la dore et la baigne
Et zéphyr le peigne.
Ce sont mes pieds comme des pétales de rose.
Je suis la douce reine
Qui berce son pigeon dans la montagne.
Au fond de la forêt pittoresque
Voilà l'alerce dans lequel j'ai construit mon nid ;
Et j'ai là, sous le feuillage frais
Un poussin nouveau-né sans pareil.

Je suis la promesse ailée,
Le serment vivant ;
Je suis celle qui porte la mémoire de l'aimée
Pour l'amant pensif ;
Je suis la messagère
Des rêveurs tristes et brûlants,
Qui voltigeront en disant l'amour
A côté d'une chevelure parfumée.
Je suis le lis du vent.
Sous le bleu du ciel profond
Je montre de moi le trésor beau et riche
Les presses et les galas ;
Le roucoulement dans le bec,
La caresse dans les ailes.
Je réveille les oiseaux chanteurs
Et ils entonnent leurs chansons mélodiques ;
Je me pose sur les citronniers fleuris
Et je renverse une pluie de fleurs d'oranger.
Je suis tout innocence, toute pure.
J'éponge les envies du désir,
Et je frémis à la tendresse intime
D'un frôlement, d'une rumeur, d'une palpitation.

Oh immense bleu ! Je t'aime. Parce que pour Flora
Tu donnes toujours la pluie et le soleil ;
Pour avoir été le palais de l'aube,
Tu es aussi le toit de mon nid.
Oh immense bleu ! J'adore
Tes ouvertures souriantes,
Et ce subtil brouillard de poudre d'or
Là où vont les parfums et les rêves.

J'aime les voiles, faibles, vagabondes,
Des brumes flottantes,
qui tendent en des airs affectueux
Le siège en éventail de mes plumes.
Je suis heureuse ! Parce que la forêt est à moi
En elle se trouve le mystère des nids ;
Parce que l'aube est ma fête
Et j'aime mon exercice et ma bataille.
Heureuse, car  de doux désirs comblée
Réchauffer mes poussins, c'est ma fierté ;
Car dans les forêts vierges résonnent
La musique céleste de mon gazouillis ;
Car il n'y a pas une rose qui ne m'aime pas,
Ni de doux oiseau qui ne m'écoute pas,
Ni un seul chanteur qui ne m'appelle pas.
Oui ? dit alors un épervier infâme,
Et avec fureur il la met dans son gosier.
Puis le bon Dieu, là, sur son trône
( Alors que Satan, pour détourner sa colère
Applaudissait cet oiseau revêche)
A commencé à méditer.

Il a froncé les sourcils,

Et il pensait, en se rappelant ses vastes projets,
Et passant en revue ses points et ses virgules,
Que lorsqu'il a créé les colombes
Il n'aurait pas dû créer des éperviers.

Rubén Darío , Azul 1887, traduction carolita

Le TEXTE original

Voir les commentaires

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Aragonite

Repost0

Publié le 13 Octobre 2020

C'est si beau ce qu'écrit Dario dans ces vers très bien construits. Petit essai pour vous donner un aperçu en français de cette beauté, mais c'est clair que c'est toujours mieux à lire en version originale. Contente d'avoir pu me procurer un vieux livre de Rubén Dario (en espagnol), il manquait à ma bibliothèque poétique en langue castillane. Si cela vous plaît, je traduirais un extrait des autres saisons.....

 

Primaveral

Mois des roses. Mes rimes vont

En ronde, dans la vaste selva,

Chercher du miel et des arômes

Dans les fleurs entrouvertes.

Viens, aimée. La grande forêt

C’est notre temple, là-bas ondule

Et flotte un parfum saint

D’amour. L’oiseau vole

D’un arbre à l’autre et salue

Ton front rosé et beau

Comme une aube ; et les chênes

Robustes, hauts, orgueilleux,

Quand tu passes agitent

Leurs feuilles vertes et tremblantes,

Et froncent leurs rameaux comme

Pour le passage d’une reine.

Oh ! Mon aimée ! Il est doux

Le temps du printemps.

******

Mes de rosas. Van mis rimas
En ronda, a la vasta selva,
A recoger miel y aromas
En las flores entreabiertas.
Amada, ven. El gran bosque
Es nuestro templo, allí ondea
Y flota un santo perfume
De amor. El pájaro vuela
De un árbol a otro y saluda
Tu frente rosada y bella
Como a un alba; y las encinas
Robustas, altas, soberbias,
Cuando tú pasas agitan
Sus hojas verdes y trémulas,
Y enarcan sus ramas como
Para que pase una reina.
¡Oh, amada mía! Es el dulce
Tiempo de la primavera.

Rubén Dario traduction carolita

Le poème original

 

Voir les commentaires

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Aragonite

Repost0

Publié le 10 Octobre 2020

 

 

Jouer avec les mots

Se gloser avec eux :

« Ecris quelque chose de joli

Des vers peut-être ou de la prose »

Disait le poète-chanteur.

 

Je lis mon Pablo

Tout à coup cette lueur d’éveil

Vient à moi comme un sommeil brisé

Par la pleine conscience de l’évidence :

Ce ne sont pas des poèmes

Dans la Centaine d’amour

Ils ont traduit cela de façon à

« Ecrire quelque chose de joli »

Pourtant s’ils l’avaient traduit comme il se doit

On aurait appris quelque chose

Que le sonnet est fait comme ci

Que le sonnet est fait comme ça :

Poème de 14 vers

Deux quatrains sur deux rimes embrassées

Et

Deux tercets

On aurait grandi tout à coup

Au lieu de lire cela comme cent poèmes

Plongés dans le grand sac d’amour tendre

De Neruda.

 

Pourtant le titre original

Il est beau :

Il parle :

« Il écrit quelque chose de joli » :

Cien sonetos de amor

Et si on le traduit comme il est, là, dans sa petite tenue de nuit

Ça donne :

Cent sonnets d’amour

Est-ce le sens, est-ce le contresens, est-ce le jeu de mots :

Sansonnets d’amour

Cela peut-être est moins poétique ?

En tout cas, moi je l’adopte

Car tout au long des sonnets

Je vois la face multicolore et rutilante

De ces oiseaux communs et encombrants

Bruyants et très axés sur le collectif

Qui ont par ailleurs mauvaise presse :

Bref des renégats

Ce pourquoi je les aime comme toute créature vivante.

 

Sansonnets d’amour de Pablo Neruda

Pablo lui qui aimait les oiseaux

Pour apprendre maintenant à écrire des sonnets

A prendre la fleur de l’air, la fleur de l’oiseau

Se cultiver se hisser au plus haut de la pensée

Pour pouvoir sans plus de façon

Etre au diapason du poète.

 

Carole Radureau (10/10/2020)

 

Voir les commentaires

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Aragonite

Repost0

Publié le 24 Septembre 2020

C’est un 23 septembre que tu es parti
Rejoignant la pampa marine de ton Isla Negra
Dans le ciel
Sans doute t’ont-ils aidé à partir
Ils voulaient certainement que
Plus vite
Tu rejoignes ta demeure éternelle
Pour y labourer les vagues révolutionnaires de l’océan
Mais je ne t’oublie pas
Tu es toujours là Pablo Neruda
Ça oui, tu es toujours là
D’ailleurs tu me suis comme mon ombre
Je ne sais pourquoi ma destinée semble liée
A la
Tienne
A ce point
Imprégnée de ta parole
Sollicitée par ta pensée
Questionnée sans cesse par tes questions
Je vis pour la poésie
La poésie est en moi

Chaque jour je me rappelle tes mots
Pour chaque moment vécu
Par exemple aujourd’hui
Je me dis :
Ecrire, écrire
Pour ne pas mourir
Hier je repensais à tes chaussettes furieuses
Avant-hier à l’armure de l’artichaut
Je relisais ce passage d’une grande beauté sur l’ode à la vie
Je cite :
La vie nous attend
Tous
Qui aimons
La sauvage
Odeur de mer et de menthe
Qu’elle a entre les seins.
Et je me disais quelle injustice qu’on t’ai tronquée cette vie
Tu avais tant encore à nous dire
A nous apprendre
Les apprentis d’automne aimeraient avec toi
Galoper pour installer l’automne cette saison qui t’étais chère
Dans laquelle on sent tant d’arômes
On sent tant de messages de la nature qui entre dans son
Grand durcissement
L’odeur des figues
Des confitures de figues
De la tarte aux figues avec sa robe de miel de châtaignier
Envahi la maison
Tu vois je pense à toi
Toi si sensuel si terrien si amoureux des fruits de la terre-mère
Tu aurais aimé cette couleur de vin tanique et rusé
Tiré frais et dégusté tel quel au sortir du pis de la vigne
Tu aurais aimé et disserté sur la poésie des petits grains de figues
Tout collés au fond de la casserole
Comme des amoureux transis venant même
Se coller, sur les poignets

La vie est encore là pour nous
Cette grande illusion
Je t’écris aujourd’hui jour de ta fête qui n’en est pas une
Je ne pourrais pas éditer ce texte comme à l’habitude
Je passerais donc par des canaux différents
Ne me tairais pas, oh ! Non, il ferait beau voir
Que la poésie que toi et moi avons caressée dans le sens du poil
Se laisse titiller par l’adversité de cette vie d’illusions
Mais les grains, les graines semées sont semées dans du terreau solide
De la bonne terre franche qui a su tirer le bon grain de l’ivraie
Il faut continuer à s’exprimer il le faut
Il faut continuer à célébrer il le faut
L’histoire a écrit des pages sombres qu’aucun de nous doit oublier
La poésie, la musique, le folklore sont là pour hisser bien haut
Le devoir de mémoire

Tu es toujours là Pablo Neruda
Frais comme toujours, réel comme toujours
Vif comme une truite
Gai comme le congre au jus qui bouillonne
Accompagné de sa petite sauce que je ne connais pas.

Tu verrais où en est ton pays
Franchement je crois que tu retournerais sans doute
Labourer les vagues de l’océan du ciel à la recherche
D’une figure de proue des années 70 ces belles années
Trop courtes
Où l’espoir d’un monde meilleur pour le Chili
Pour le monde
Etait permis.

Ils ont fauché nos belles graines
Mais pas leur pensée, oh, non pas leur pensée
Resurgit la mémoire collective quand la foule retrouve
Le chemin de la rue
Les choses sont stagnantes inquiétantes et funestes
Mais un jour la conscience gagnera du terrain
Sans doute ne le vivrais-je pas
Sans doute est-ce encore long
La terre-mère aura-t-elle encore le temps d’attendre
Nul ne le sait
L’espoir est une figue qui s’habille de la robe violette du poulpe aux grands bras
L’espoir est une figue qui ouvre grand son cœur pour y révéler ses grains joyeux
L’espoir est un châtaignier qui a laissé choir au sol son trésor
Pour le partager, en attendant, toi Pablo Neruda :
Presente !

Carole Radureau (23/09/2020)
 

Voir les commentaires

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Aragonite

Repost0

Publié le 16 Septembre 2020

Tu es toujours là, Víctor Jara

…..a mi me gusta caminar en el hilo de mi vida con el pensamiento de Víctor jara …..

 

J’aime cheminer sur le fil de ma vie

Avec la pensée de Victor Jara

La colombe est là, palomita

Comme un oiseau éternel

Feuille d’amour, de chant et de miel

Sa guitare sous le bras

Le sourire est là

Tendre et rebelle

De cette chaleur éternelle

Fait d’intemporalité

Le chant est là

Oui ! Comme il est là !

Sans se lasser, se fatiguer

Puissant, profond, toujours Presente !

 

Compagnon de chaque jour

Feuille de lecture, feuille de route

Jamais, non jamais, d’un autre temps

Chant de Presente !

Avec la force d’un vocable d’amour

Des notes puisées dans le lierre fécond

La lyre a figé dans le sang sacrificiel

La beauté qui tourne les pages

Une à une

Sans jamais se lasser.

 

Carole Radureau (06/09/2020)

 

Voir les commentaires

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Aragonite

Repost0

Publié le 2 Août 2020

« Je ne veux m’évader

vers aucune solitude,

je ne veux pas

que mes paroles ligotent les hommes. »

 

Pablo Neruda (Ode à l’inquiétude)

 

Au petit soir qui tombe

Tout timidement

Quand le soleil

Arde encore et que tarde

La fraîcheur musicale de la nuit

Quand les martinets sans bruit

Ont rejoint la grande route des cieux

Les pépites de Pablo tombent

Dans ma glotte comme une délicatesse de miel

Toutes imprégnées de véracité, force et accomplissement.

 

Odes de Pablo

Je vous aime

Dans la timide persistance de l’aube

Ou dans la véritable solitude.

 

Que trouves-tu à déchiffrer ainsi la parole du poète ?

Je ne sais pas quoi dire

Je ne sais que penser

Ressentir simplement et ne pas traduire

Ce que je ressens

Quand je lis les pépites de Pablo.

 

C’est lui le maestro

Nul ne cherche à l’imiter pourtant Pablo

Il inspire malgré nous

Sa force est un lait de manioc qui se presse

Sur le plat

Pour faire jaillir en nous la casabe, le pain blanc de la selva.

 

Et il est là

Sans le savoir nous le trimbalons en nous,

Pablo

C’est comme si à lui seul il était l’école-même

La véritable école de la vie

Les apprentissages spontanés

Les vérités et les vérifications

Le suc, la saveur, la colère ou l’amour

Les pépites de Pablo

Chaque jour

Enseignent.

 

Je voudrais parfois écrire à l’encre de Pablo

Me réveiller une pépite encore toute chaude

A déposer

Tel un cheveu de velours et d’ange

Sur le papier non traité de la vie

Je voudrais parfois me dire

Que j’ai « pondu » la pépite qui frappe au cœur des êtres

Qui fait que chacun comme moi-même ressens sans le nommer

Le sens profond

La délicate

Suggestion.

 

J’écris comme une rivière qui veut devenir fleuve

Des mots qui certainement se noient

Nourrissant l’âme des poissons

Ce n’est rien c’est aussi un héritage

Car j’ai dans le sang et l’âme des pépites de Pablo

Qui bouillonnent dans mon volcan intérieur

De toute leur lave héritée.

 

Carole Radureau (02/08/2020)

 

 

Voir les commentaires

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Aragonite

Repost0

Publié le 28 Juin 2020

C'était en 2012, un commentaire de Serge sur le poème J'ai de Nicolás Guillén.

En relisant ces deux textes je me rends compte comme ils collent à l'actualité, à ce que le monde vit, ici et maintenant.

J'ai eu envie qu'ils soient, J'ai (Tengo) ma traduction de Guillén et L'effort humain de Prévert sur ce blog dédié à la poésie qui a du sens, qui est comme la chanson non crétinisante (je suis drôlement culottée d'écrire cela, quelle vantardise direz-vous).

Et c'est parce qu'ici on aimait bien en 2012 faire la joute des poèmes et ça fait du bien de se pencher sur la poésie pour y séparer le bon grain de l'ivraie.

Merci aux @migos de ce blog.

Oeuvre de Fernand Léger

 

"Quand nous parlons nous entendons

La vérité des charpentiers

Des maçons des couvreurs des sages

Ils ont porté le monde au-dessus de la terre

Au-dessus des prisons des tombeaux des cavernes

Contre toute fatigue ils jurent de durer"

Paul Éluard : Les Constructeurs.

À Fernand Léger

 

L’effort humain
n’est pas ce beau jeune homme souriant
debout sur sa jambe de plâtre
ou de pierre
et donnant grâce aux puérils artifices du statuaire
l’imbécile illusion
de la joie de la danse et de la jubilation
évoquant avec l’autre jambe en l’air
la douceur du retour à la maison
Non
l’effort humain ne porte pas un petit enfant sur l’épaule droite
un autre sur la tête
et un troisième sur l’épaule gauche
avec les outils en bandoulière
et la jeune femme heureuse accrochée à son bras
L’effort humain porte un bandage herniaire
et les cicatrices des combats
livrés par la classe ouvrière
contre un monde absurde et sans lois
L’effort humain n’a pas de vraie maison
il sent l’odeur de son travail
et il est touché aux poumons
son salaire est maigre
ses enfants aussi
il travaille comme un nègre
et le nègre travaille comme lui
L’effort humain n’a pas de savoir-vivre
l’effort humain n’a pas l’âge de raison
l’effort humain a l’âge des casernes
l’âge des bagnes et des prisons
l’âge des églises et des usines
l’âge des canons
et lui qui a planté partout toutes les vignes
et accordé tous les violons
il se nourrit de mauvais rêves
et il se saoule avec le mauvais vin de la résignation
et comme un grand écureuil ivre
sans arrêt il tourne en rond
dans un univers hostile
poussiéreux et bas de plafond
et il forge sans cesse la chaîne
la terrifiante chaîne où tout s’enchaîne
la misère le profit le travail la tuerie
la tristesse le malheur l’insomnie et l’ennui
la terrifiante chaîne d’or
de charbon de fer et d’acier
de mâchefer et de poussier
passée autour du cou
d’un monde désemparé
la misérable chaîne
où viennent s’accrocher
les breloques divines
les reliques sacrées
les croix d’honneur les croix gammées
les ouistitis porte-bonheur
les médailles des vieux serviteurs
les colifichets du malheur
et la grande pièce de musée
le grand portrait équestre
le grand portrait en pied
le grand portrait de face de profil à cloche-pied
le grand portrait doré
le grand portrait du grand divinateur
le grand portrait du grand empereur
le grand portrait du grand penseur
du grand sauteur
du grand moralisateur
du digne et triste farceur
la tête du grand emmerdeur
la tête de l’agressif pacificateur
la tête policière du grand libérateur
la tête d’Adolf Hitler
la tête de monsieur Thiers
la tête du dictateur
la tête du fusilleur
de n’importe quel pays
de n’importe quelle couleur
la tête odieuse
la tête malheureuse
la tête à claques
la tête à massacre
la tête de la peur.


 L’effort humain - Extrait de  Paroles, Jacques Prévert

Voir les commentaires

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Aragonite

Repost0

Publié le 28 Juin 2020

La poésie de toujours qui a toujours le sens et la mesure et puis les circonstances. Tengo, c'est universel.

Avec cette traduction mienne, parce qu'à présent que je peux lire les textes originaux, je les saisis tellement mieux, au plus près, il me semble de la parole de l'auteur, aussi, Tengo, j'en ai deux versions différentes, l'une sur mon blog cocomagnanville que vous connaissez, très belle, enjolivée ai-je envie de dire, l'autre dans un de mes livres sur Guillén, traduite par Claude Couffon qui était un traducteur renommé des auteurs latino-américains dont Neruda et qui connaissait bien Guillén mais dont la version pour le coup me semble au contraire trop simplifiée.

Je coupe entre les deux, et je traduis comme je le lis, ce n'est certes pas académique c'est certainement de la traduction anarchique, mais c'est comme ça que je fonctionne, parce qu'il me semble que c'est bien de l'écrire comme on le sent à la lecture.

 

J'ai

 

Quand je me vois et je me touche,

moi, Jean sans Rien hier encore,

et aujourd'hui Jean avec Tout,

et aujourd'hui avec tout,

je tourne les yeux, je regarde,

je me vois et me touche

et me demande comment cela a pu être possible.

 

J’ai, voyons voir,

j’ai le plaisir d’aller dans mon pays,

propriétaire de ce qu’il y a en lui,

regarder de près ce que là autrefois

je n’ai pas eu et ne pouvais avoir.

Sucre puis-je dire,

Monts puis-je dire,

Ville puis-je dire,

Armée puis-je dire,

miens déjà et pour toujours tiens, nôtres,

et un immense rayonnement

d’éclair, d’étoile, de fleur.

 

J’ai, voyons voir,

j’ai le plaisir d’aller

moi, paysans, ouvrier, homme simple,

j’ai le plaisir d’aller

(c’est un exemple)

à la banque et parler avec le directeur,

non pas en anglais,

non pas en monsieur,

mais en lui disant compañero comme on le dit en espagnol.

 

J’ai, voyons voir,

qu’étant un noir

personne ne peut m’empêcher

d’entrer dans un dancing ou dans un bar.

ou encore dans le hall d’un hôtel

me crier qu’il n’y a pas de chambre,

une petite chambre et non un palace,

une petite chambre où je pourrais me reposer.
 

J’ai, voyons voir,

qu’il n’y a plus aucun gendarme

qui m’empoigne et m’enferme dans une caserne,

ni qui me soulève et me jette hors de ma terre

au milieu de la grand-route.

 

J’ai que comme j’ai la terre j’ai la mer,

no country,

no highlife,

no tennis et no yacht,

mais de plage en plage et de vague en vague,

géante bleue ouverte démocratique :

la mer, enfin.



J’ai, voyons voir,

que j’ai appris à lire,

à compter,

j’ai que j’ai appris à écrire

et à penser

et à rire.

J’ai que j’ai maintenant

un lieu où travailler

et gagner

de quoi me nourrir,

j’ai, voyons un peu,

j’ai ce que je devais avoir.

 

Nicolás Guillén (1964) traduction carolita

 

Texte original

Voir les commentaires

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Aragonite

Repost0

Publié le 16 Avril 2020

Roses de Magnanville pour Luis Sepulveda

Il est parti ce grand auteur chilien

Celui qui nous emmenait sur les chemins de son pays

Et dans ses pas on cheminait

Apprenant, apprenant….

Et dans ses ailes on volait

Telle la mouette qui dans l’histoire avait appris d’un chat

Comment le faire…..

Et puis on suivait le globe-trotter engagé dans la défense de l’environnement avec

Dans Yacaré la sensibilisation au trafic des espèces…..

Et puis on connaissait mieux l’histoire de la dictature

Et dans les nouvelles on apprenait les hommes et le monde.

 

J’ai aimé l’œuvre que j’ai lue

J’ai tant appris de toi comme j’ai appris de Pablo ton compatriote

Toi, pour les jeunes lecteurs, tu étais merveilleux

Tes nouvelles assez courtes amenaient tant d’ouvertures

Je te lirais encore même si tu n’es plus là

Emporté par le virus dans le monde au bout du monde

Ton humanité mérite d’être lue et relue et ton œuvre

C’est ton héritage à nous autres

Offert.

 

Pour te remercier de toutes ces ouvertures

De toutes ces connaissances

D’avoir été le militant, l’auteur, l’homme que tu fus

Je t’offre mes roses de Magnanville

A la senteur moins exotique mais

Cousines de tes roses d’Atacama

Qui couvrent les déserts de leurs couleurs

Comme autant de promesses

D’un monde meilleur.

 

Le soir à la veillée le vieux lira encore

Des histoires d’amour comme une tendresse

Emprunte de naïveté

Comme une histoire de cœur qui ne vieillit pas

Comme un respect des anciens, alors

Retrouvé.

 

L’ombre de ce que nous avons été

La pureté de l’engagement

L’amour de la culture

Le devoir de mémoire

Ce sont toutes ces valeurs-là

Qui portent aujourd’hui ton nom

Luis Sepulveda.

 

Carole Radureau (16/04/2020)

 

 

 

Voir les commentaires

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Aragonite

Repost0