Publié le 16 Janvier 2022
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Parlez-moi dans la langue que je veux entendre
Jusqu’au plus profond de son vocable
Sa plus réservée expression
Son ton le plus exigu
Qu’elle chante en moi la chanson de l’eau
Déboulant les pentes de l’Aconcagua !
Parlez-moi dans la langue que je veux comprendre
Arrachées à l’extrémité suprême de ses racines
Puisées dans les profondeurs de son âme
Tirées du puits des plus vieilles connaissances
Les paroles qui l’a font murmurer, chanter, crier.
Parlez-moi dans la langue que je veux surprendre
Au saut du lit
Dans le bol du cratère
Sur les contreforts de la cordillère
Dans la fraîche Patagonie
Sur les plages où débarquèrent un jour les Caribes
Bousculée par le vent dans l’isthme de Tehuantepec
Chahutée par le souffle chaud du Gran Chaco
Titillée par la vérité profonde de l’Amazonie
A la conquête des trésors du Machu Picchu
Sur Chiloé marin découvrant le berceau de la papa
Galopant avec les Mapuche dans la belle Araucanie
Puis dans les lagunes colorées de Bolivie
Admirant le soleil qui fait la cour au rose des flamants.
Parlez-moi de la langue que je veux entendre
Mais surtout écrivez-la moi :
Car, là, vous pourrez me surprendre
Dans toute la profondeur de mon être
La surdité est un frein à la conquête des belles paroles qui plaisent
La surdité est juste compensée par la lecture et l’écriture :
C’est une riche compensation.
Je voudrais
Tel un jongleur
Maîtriser le lancer de mots
En connaître la géographie, la souplesse, la trajectoire
Dans le creux de ma main,
Les recevoir
Comme de petits colibris
Sacrés et précieux : fils de la vie !
Je voudrais
Les ranger dans cet ordre les mots, et puis dans cet autre
Les mêler, les déranger, les distendre, les inventer
En faire des colliers de perles
Des outils, des armes, des frondes
Pour qu’ils servent, oh ! oui, servent très bien
Les luttes des peuples.
Elle est belle la parole militante !
Elle est riche la parole que l’on porte à bras le cœur
Dans sa tenue d’exotisme oubliant les conquêtes
Qui lui ont prêté une parole maudite
Pourtant, elle se propagea comme une fleur conquise
Elle envahit tout mais on l’avait bien aidée en cela
D’un continent elle en fit sa calebasse de maté
Raflant tout comme un raz de marée
Pourtant elles vivent, présentes au milieu d’elle
Les belles langues indigènes, renaissant, revivifiées
Par la dure réalité de la perdition prochaine, promise par certains :
Rien ne se perd sauf la volonté
Rien ne peut s’altérer quand on a pris conscience, heureusement
Que tout sur cette planète peut s’additionner
Au milieu du respect et de l’amour de la diversité.
Carole Radureau (16/01/2022)