…..écho de poète……
Jiri Orten poète juif de langue tchèque, renversé et tué par une ambulance allemande sur un quai de Prague le 30 août 1941, le jour de son 22e anniversaire.
Orten est un pèlerin pragois. Frantisek Halas le dit : « Amour, pureté et compassion étaient toute la richesse de son balluchon de pèlerin et de poète en route vers le froid. Ainsi chargé il faisait halte au-delà de la porte de l’angoisse et des failles de la nuit ».
Lui-même est conscient de son rôle de pèlerin qui ne peut rien changer au monde ; il sait qu’il est un témoin : « Je ne suis né sur cette terre que pour témoigner ».
Dans Dernière poésie (1940) il s’accuse :
« Je suis coupable de l’odeur odorante,
Vain désir d’un père,
Des vers, oui, je le sais, de l’amour perdu,
De la pudeur et du silence et de ce monde de misères,
Du ciel et du Dieu sévère qui a raccourci mes jours
En un paradis, mort, sur terre –«
Dans cette situation, écrire des poésies signifiait pour Orten, respirer.
Seule la poésie écrite au jour le jour, lui a permis de ne pas sombrer dans le désespoir.
La poésie qui naissait en lui comme un flux mélodique, bien que non exempte d’artifices et de ruses d’écriture était pour lui l’unique défense possible dans une existence menacée, et en même temps un remède contre la perte de la liberté.
Déjà en 1938, il avait écrit à Halas : « Je veux être poète de tout mon cœur et plus encore, je veux mourir pour cela. »
Durant les 3 ans de persécution de double extranéité de pèlerin pragois et de Juif sans patrie, l’attachement d’Orten à « cette chose qu’on appelle poésie » se fait plus acharné, et il surmonte le vide de ses années infâmes avec une sorte de fureur poétique.
« Cela seul est mon monde, mon espérance, ma foi : écrire, écrire, écrire, jusqu’au terme suprême. »
Le pèlerin sait bien que cela n’y changera rien, car la poésie n’est pas l’ellébore qui guérit la folie car tout est prédestiné et immuable :
« La pierre fut donnée/la pierre fut donnée ! »
Il faut malgré tout adhérer à son propre destin, louvoyer dans les méandres de l’absurde en trouvant en soi le salut, donner un sens à ce qui est le plus désespéré.
Il faut s’accomplir totalement, être, avant qu’on ne vienne vous chercher.
Extraits de Praga magica d’Angelo Ripellino, collection Terre Humaine
En savoir plus sur cet auteur
Ecrire pour ne pas mourir
Ecrire parce que c’est cela l’encre de vie
L’encre qui se dit encore qui chaque jour
Te donne plume et soleil
Tu te lèves le premier
Pied tombé dans la poésie
C’est une poésie traversière
Une poésie de la balade, de la balade
Santé car elle est remède elle est sacrée car
Elle peut servir de compensation
Chaque jour chaque jour un poème comme pour
Eriger sur le calendrier une citadelle de force :
La force des mots
Chaque jour chaque jour un poème ou même deux
Comme pour se démontrer
Que l’on est bien vivant
Combien de perles de mots se fixent au collier
Pour le monde meilleur ?
Y croyant encore voulant toujours y croire
Non, il n’y a rien qui ne fasse affaisser les épaules
De la poésie :
C’est elle qui domine c’est elle qui draine
Elle n’est pas une reine juste une petite combattante
Qui jamais ne se croit importante
Encore moins imposante
Qui se sait utile et précieuse comme une fleur
Comme une pierre
Oublie le pansement que je viens de te dire d’elle
Qu’elle pose sur nos âmes éperdues ou tristes
Oublie le baume que je viens de te dire d’elle
Qu’elle dépose comme une cape sur la souffrance
Elle est là, si tu l’appelles c’est ta compagne de route
Le pèlerin se sert d’elle comme d’un bâton de marche
La retourne pour gribouiller ses vers sur un mur de pierre
La rend militante la rend puissante journaliste pour
Témoigner d’un vécu
Chaque jour, chaque jour
L’honorer, la réciter, la penser, la décrire, la soutenir,
L’embellir, la ramasser pour en faire une page de lumière.
Carole Radureau (01 /04/2021)
……..poésie d’avril 2021…..
…….pas un jour sans poème……