La ruche
Publié le 19 Février 2024
J’habite dans un espace contraint
Un appartement locatif
Il est réservé aux bailleurs sociaux :
Ça va, il est pas trop cher !
J’ai pignon sur rue
Je peux participer à tous les ragots
Quand le boulanger arrive il klaxonne
Toutes les têtes aux bigoudis
Sont aux fenêtres :
Kicéti, kicéti, kicéti :
C’est l’pain, c’est l’pain :
Vite, avant qu’y en ai plus !
Mon petit chez moi est confortable
Seulement il y a proximité
J’entends tout des discussions des voisins
J’entends le chien qui aboie, le mioche qui pleure la nuit
Puis il y a parfois des indésirables
Des petites bêtes dont on ne peut se passer
Ça grouille un peu, ça me démange de partir
Là-bas au fond du bois
Dans une villégiature particulière
Au bord d’un lac
Avec moi tout seul
Dans ma petite chaumière.
Malgré tout, ça vit dans La Ruche
Ça bourdonne, ça fourmille d’idées
On peut taper à la porte de la voisine
S’il nous manque le lait pour la quiche
Ou l’œuf pour dorer la galette
On peut aussi boire le thé
En faisant comme dans le grand monde
Avec la petite coupelle pour déposer le sachet
Le sucrier en porcelaine
La pince à sucre en argent
Le petit doigt en l’air
Sans oublier les petits macarons tout frais décongelés.
On s’y croit presque.
Ce n’est pas toujours pratique.
Prenez-moi !
Je crèche sous les toits, sans ascenseur
Je dois me trimballer les courses
Descendre les poubelles
Parfois ça goutte à la montée et à la descente
Ensuite il faut nettoyer (enfin j’dis ça, c’est pour les gens « propres »)
Parfois je suis fatigué
Je n’ai pas dormi de la nuit
Les gens du dessous ont écouté du zouk que j’en aurais fait une crise de foie
Ça zoukait, ça zoukait !
Pis l’chien s’y est mis
Apportez-moi des boules quies !
Je n’en puis plus de cette proximité.
Tape, tape, tape.
Non, pas sur les bambous
Sur les tuyauteries
Parai-t-il que c’est une nouvelle méthode
Toute La Ruche l’entend
Ça lui vibre jusqu’aux dents,
Elle ne sait plus quoi faire.
Partir,
Partir,
Partir
Trouver sa Ruche à Magnanville
Dans le petit quartier près des pompiers
Une maison de plain pied
Avec un jardin tout autour
La famille nous dit : Oh ! mais y a un immeuble à côté ! Oui, mais
C'est pas nous….
Nous, on a eu la maison
C’est une maison -ruche
Avec les mêmes conditions en mieux
Trop d’la chance !
Ils croient tous que l’on est des nantis
Qui croit ça, hein, qui croit ça ?
On aimerait bien parfois se penser propriétaire
C’est un état d’esprit
(en plus d’en avoir les moyens)
La vie va comme j’te pousse
Et le jardin est notre bien le plus précieux
Il attend la visite de pics
Il invite tous les oiseaux
Parfois un pic vert s’y perd
Alors l’on est heureux.
Nous,
On n’a pas craché dans la Ruche
On est toujours des rucheux
On n’a pas fait fortune, hein, les zôtres, suivez mon regard !
On est heureux dans notre coin de verdure
Ici c’est le biotope de Magnanville
Venez y voir toute la vie, venez-y voir la roseraie
(où ce qu’il en reste)
Chacun y trouve son compte dans notre Ruche
On attend l’été que la vie s’y inscrive, que les sons se raniment
On y attend le printemps, que les oiseaux chantent
On ne sait pas, comme vous de quoi demain sera fait
C’est quoi déjà, ça :
Demain ?
No sé.
Carole Radureau (19/02/2024)
Inspirée par cette photo de Gianni