« Les lieux te parlent ». Nos pas dans les pas d’Ernest Pignon-Ernest
Publié le 17 Août 2023
Lieux
Qui ne serez jamais anonymes
Endroits dans lesquels
Nos pas glissent comme dans la couture grise du temps
Sans images sans espace sans sons ni bruits
Autres que ceux de la ville.
Lieux
Où
Tout soudain, un matin
Tu sers la main à la figure, là
Née dans la nuit,
Seule,
Par une action pirate
Elle te réjouit cette figure-là
Car tu la connais bien :
C’est ton histoire ou
L’histoire attachée au lieu
Ou
Celle de tes ancêtres ou
L’histoire qu’elle veut que tu connaisses ou
Un rappel ou
Une évidence ou
Un souvenir ou
Une remembrance ou
Une interpellation ou
Une résonance.
Lieux qui vibrez tout soudain
Comme à l’approche du pas qui vient
Vous révéler : juste reconnaissance.
Vous êtes,
Murs délabrés, tagués, retagués,
Livrés à votre désœuvrement, de
Peu d’importance
On vous oublie, vous êtes
Les vieux meubles de l’histoire
Ceux qui ont connu le sang
L’ont absorbé, éponge de salpêtre
Ne l’ont jamais régurgité.
Tout soudain, l’image collée la nuit,
L’image colle à la nuit
Réveille le sang endormi
Réveille les larmes
Réveille la vie
Réveille la poésie, mieux
Elle bute et se cale sur le lieu
Où tout a commencé, elle l’embrasse,
Se fond en lui, silhouette, l’
Epouse,
Ephémère,
Volonté d’éphémère,
Image qui a vocation à disparaître, qui,
Pourtant, pour les gens de cet espace-là,
Est une œuvre si sincère
Qu’ils aimeraient la garder, bien protégée :
Icône dans un musée :
Darwich sur le mur de séparation, mur de la honte, Darwich
Sur le marché, non pas invité, mais fondu :
Mahmoud vit !
Toujours compagnon de route, revenant du marché,
Tu poses ton filet à provisions
Et récites la poésie, forte, belle et rebelle,
Tu vis l’exil, la lutte, la si longue occupation, tu sens la
Clé dans ta poche
Tu arrives chez toi, tu ouvres le filet
Sors le sourire et les vers en sus des courses :
Mahmoud vit !
Les lieux ont une âme
Ce ne sont pas des accidents de parcours
Il leur faut se confronter
A Ernest Pignon-Ernest, son seau, son pinceau, sa colle
Tel le colleur d’affiche nocturne du parti
Œuvrant en catimini avec sa mission casse-cou autour du cou
Qu’œuvre le choc précieux de la mémoire
Que les cœurs s’égaient, se rappellent
Ne soient plus tristes.
Ici où là les images,
Collages de l’infini sur un espace ébranlé,
Vie, résurgence, livre d’histoire, quête d’immortalité,
Se baser sur l’éphémère, le périssable
Pour rendre immortelle la mémoire des hommes
Il y a pensé, l’a si bien établi
Que plus jamais les lieux ne seront
Comme des inconnus
Vides, nus, agglos, gribouillages incompréhensibles,
Peintures écaillées, métal tordu, déstructurés,
Eventrés par la misère et le dédain,
Il y a pensé, l’a si bien résolu
Que chaque matin, l’image t’accompagne,
Sœur,
Plus réelle que les bruits de la rue réelle :
Elle est ton instant présent
Porteuse de l’eau d’hier
Le lieu, son espace, son univers :
Dans la rue, l’image vaut réellement mille mots.
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Carole Radureau (17/08/2023)