Tãne Mahuta, le seigneur de la forêt

Publié le 28 Décembre 2022

Par W. Bulach — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=64587917

Par W. Bulach — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=64587917

 

« La forêt est un état d’âme. Les poètes le savent. »

Gaston Bachelard, La poétique de l’espace

 

De ma très haute et très vieille cime

Je regarde la terre qui tourne mal

Fille égarée.

Moi l’ancien du Jurassique

Lentement, prenant mon élan,

Elastique éternisant, fils de la vie et des bois

J’essaie de me terrer, de me cacher

Les champignons ont raison de moi.

C’est qu’ils ont affaibli ma famille les hommes,

Ils ont tout déforesté

Nous laissant, nous les géants

A l’abri sous les fougères,

Nos exfoliations jonchant le sol

Afin que nulle végétation ne vienne

Comme sur nos troncs, nous parasiter.

Qu’à cela ne tienne, notre avenir est compromis

Pourtant, nous avions fière allure

Voguant, pirogue Maorie sur les flots

Il aurait fallu prélever le nécessaire

Les colons n’ont pas su faire

C’est toujours la même histoire

Une histoire à ranger dans le placard miteux

Avec les espèces dûment sacrifiées.

Je ne me plains pas puisqu’on écrit sur moi

La poésie pose, légère, sa plume de commère

Pour bavarder un peu :

J’ai tant à dire

Moi, presque un dieu, le seigneur de la forêt

Rien que ça, auront-ils pris soin de moi

Comme la muse l’aurait fait ?

 

Elle m’aurait couvert de rimes et de mots doux

M’aurait caressé dans le cou (si jamais elle avait pu l’atteindre à 51 mètres de haut)

Elle m’aurait fait croire que j’étais le plus beau

Le plus précieux

Le plus délicat

Le plus gentil

Des oiseaux se seraient perchés sur moi avec délicatesse

Se posant sur la portée de mes nervures

Comme sur un fil électrique

Ils auraient chanté

Je me serais laissé bercer, magiquement,

J’aurais été bien, heureux,

Au firmament de mon âge, mon très vieil âge (j’ai pas loin de 2000 ans)

J’aurais pu me laisser aller, lâcher prise

Et ronfler enfin

Sans craindre le vent, la tempête, les conquérants, les maladies.

 

C’est une autre histoire alors que je suis debout

Vous regardant, hommes-fourmis

Qui pensez être forts en tombant de tels géants

Alors que vous tuez de bon cœur

Votre avenir sur cette terre.

 

Carole Radureau (27/12/2022)

 

Kauri

Agathis australis

Araucariacées

Quasi menacé

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #L'arbre qui fait parler de lui

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A
Triste fin pour ce colosse magnifique...
Répondre
C
Je suis toujours sans voix de constater que des arbres aussi âgés, aussi grands et monumentaux peuvent être détruits (lui, ce n'est pas le cas, mais c'est celui de ses frères hélas). Qué tienen en la mente ?