1. La pierre fut donnée – Jiri Orten

Publié le 1 Avril 2021

…..écho de poète……

 

 

Jiri Orten poète juif de langue tchèque, renversé et tué par une ambulance allemande sur un quai de Prague le 30 août 1941, le jour de son 22e anniversaire.

Orten est un pèlerin pragois. Frantisek Halas le dit : « Amour, pureté et compassion étaient toute la richesse de son balluchon de pèlerin et de poète en route vers le froid. Ainsi chargé il faisait halte au-delà de la porte de l’angoisse et des failles de la nuit ».

Lui-même est conscient de son rôle de pèlerin qui ne peut rien changer au monde ; il sait qu’il est un témoin : « Je ne suis né sur cette terre que pour témoigner ».

Dans Dernière poésie (1940) il s’accuse :

« Je suis coupable de l’odeur odorante,

 Vain désir d’un père,

Des vers, oui, je le sais, de l’amour perdu,

De la pudeur et du silence et de ce monde de misères,

Du ciel et du Dieu sévère qui a raccourci mes jours

En un paradis, mort, sur terre –« 

Dans cette situation, écrire des poésies signifiait pour Orten, respirer.

Seule la poésie écrite au jour le jour, lui a permis de ne pas sombrer dans le désespoir.

La poésie qui naissait en lui comme un flux mélodique, bien que non exempte d’artifices et de ruses d’écriture était pour lui l’unique défense possible dans une existence menacée, et en même temps un remède contre la perte de la liberté.

Déjà en 1938, il avait écrit à Halas : « Je veux être poète de tout mon cœur et plus encore, je veux mourir pour cela. »

Durant les 3 ans de persécution de double extranéité de pèlerin pragois et de Juif sans patrie, l’attachement d’Orten à « cette chose qu’on appelle poésie » se fait plus acharné, et il surmonte le vide de ses années infâmes avec une sorte de fureur poétique.

« Cela seul est mon monde, mon espérance, ma foi : écrire, écrire, écrire, jusqu’au terme suprême. »

Le pèlerin sait bien que cela n’y changera rien, car la poésie n’est pas l’ellébore qui guérit la folie car tout est prédestiné et immuable :

«  La pierre fut donnée/la pierre fut donnée ! »

Il faut malgré tout adhérer à son propre destin, louvoyer dans les méandres de l’absurde en trouvant en soi le salut, donner un sens à ce qui est le plus désespéré.

Il faut s’accomplir totalement, être, avant qu’on ne vienne vous chercher.

 

Extraits de Praga magica d’Angelo Ripellino, collection Terre Humaine

En savoir plus sur cet auteur

 

Ecrire pour ne pas mourir 

Ecrire parce que c’est cela l’encre de vie

L’encre qui se dit encore qui chaque jour

Te donne plume et soleil

Tu te lèves le premier

Pied tombé dans la poésie

C’est une poésie traversière

Une poésie de la balade, de la balade

Santé car elle est remède elle est sacrée car

Elle peut servir de compensation

Chaque jour chaque jour un poème comme pour

Eriger sur le calendrier une citadelle de force :

La force des mots

Chaque jour chaque jour un poème ou même deux

Comme pour se démontrer

Que l’on est bien vivant

Combien de perles de mots se fixent au collier

Pour le monde meilleur ?

Y croyant encore voulant toujours y croire

Non, il n’y a rien qui ne fasse affaisser les épaules

De la poésie :

C’est elle qui domine c’est elle qui draine

Elle n’est pas une reine juste une petite combattante

Qui jamais ne se croit importante

Encore moins imposante

Qui se sait utile et précieuse comme une fleur

Comme une pierre

Oublie le pansement que je viens de te dire d’elle

Qu’elle pose sur nos âmes éperdues ou tristes

Oublie le baume que je viens de te dire d’elle

Qu’elle dépose comme une cape sur la souffrance

Elle est là, si tu l’appelles c’est ta compagne de route

Le pèlerin se sert d’elle comme d’un bâton de marche

La retourne pour gribouiller ses vers sur un mur de pierre

La rend militante la rend puissante journaliste pour

Témoigner d’un vécu

Chaque jour, chaque jour

L’honorer, la réciter, la penser, la décrire, la soutenir,

L’embellir, la ramasser pour en faire une page de lumière.

 

Carole Radureau (01 /04/2021)

 

……..poésie d’avril 2021…..

…….pas un jour sans poème……

1. La pierre fut donnée – Jiri Orten

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Pas un jour sans poème, #Echo de poète, #Aragonite, #à la petite semaine

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A
Il me semblait bien que je n'avais plus rien reçu depuis deux jours, j'ai bien fait de venir faire un tour.<br /> Un très belle rencontre entre toi et ce poète, on y retrouve la même foi et la preuve que la poésie est plus forte que tout.<br /> Jolie photo de ce tronc lumineux.
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C
Pour des raisons différentes on se retrouve avec des points communs évoqués dans la façon d'écrire et pour ce que la poésie développe et entraîne dans nos vies. Ce n'est pas souvent que l'on se retrouve sur les chemins mais parfois, oui, il faut savoir le reconnaître. Pour la photo, c'est un bouquet de bouleaux de l'autre côté de la rue, en ce moment il y a une belle lumière sur eux.
H
Poème très fort, ta poèsie est une militante de la vie !<br /> Merci pour Orten que je ne connaissais pas<br /> bises
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C
C'est bien de découvrir d'autres horizons et ces poètes-là, ceux qui nous touchent tous les 2 sont des poètes de la vie, de la vie d'écorchés, de ceux qui ont vécu parfois brièvement comme lui mais avec un but fort et profond porté par les mots. Cette semaine, j'espère avec cette série vous faire découvrir des auteurs qui ne font pas partie de mon répertoire habituel, des poètes internationaux, qui m'ont touchée et dont j'ai été heureuse de découvrir la prose. Bisouxx.