3. Les vocations du tilleul – Jacques Lacarrière

Publié le 3 Avril 2021

3. Les vocations du tilleul – Jacques Lacarrière

Echo de poète

Jacques Lacarrière a attendu 30  ans pour oser par écrit cet aveu : un tilleul fut son 1er maître. Il relate cela brièvement dans Chemins d’écriture et plus longuement dans Le pays sous l’écorce.

 

Enfant, j’aimais dès le printemps m’installer dans les hautes branches du tilleul, dans le jardin de mes parents. Nous n’avions qu’un seul arbre en ce royaume étroit dont une moitié, cultivée par ma mère, regorgeait de framboises, de groseilles, de rhubarbes et de fleurs patiemment arrosées et dont l’autre, pour des raisons inexpliquées, demeura des années à l’état sauvage. Une simple allée séparait ces deux mondes, celui des herbes sages, celui des herbes folles et, en parcourant cette allée, j’avais le sentiment d’être à l’orée de deux promesses, sources de joies futures….

Le tilleul poussait juste à la limite de ces deux espaces, au bout de l’allée. Lui aussi, entre sa base et son sommet, recelait deux domaines opposés : ses parties basses étaient taillées, son tronc chaulé contre les parasites ; mais dans ses parties hautes (où nul à part moi n’accédait) bruissait un monde d’oiseaux et de rumeurs secrètes. De là-haut, assis sur la plus haute fourche, je dominais sans être vu tous les jardins environnants. J’observais les merles, les pinsons, les mésanges qui venaient se poser près de moi quand j’avais la patience de rester longtemps immobile ; je suivais de minuscules et vertes araignées tissant leur toile entre les feuilles ou les iules qui couraient sur les branches dès que j’en soulevais l’écorce. A force de demeurer là, silencieux, dans le roulis vert, fermant à demi les paupières pour mieux faire scintiller le soleil dans mes yeux, bercé par le vent comme en quelque hauban, je naviguais des heures au cœur des ondes et des souffles, en un murmure d’êtres et d’esprits, subtils comme des elfes en gésine enfantant pour moi seul les fées de mes jeudis……

 

Jacques Lacarrière (Chemins d’écriture, collection Terre Humaine)

 

Tilleul au cœur de l’homme a déposé un

Halo d’elfes empressés de connaître

Le chant battu sur la peau tendue d’un tambour

Battant le rappel des ondes

Tilleul dont la canopée attire un sillon de vies

Comme une fourmilière l’autoroute à gendarmes

La maison de dame mésange et puis toutes les histoires

Développées en son duramen

Tilleul qui en chaque enfant a fait naître des vocations

Sont-ce tes fées aériennes et soyeuses que l’on entendit 

Susurrant à nos oreilles des rêves immenses des chemins

A parcourir des histoires à raconter à l’ombre de ton pied ?

Tilleul dont je ne connaissais que la canopée, l’ombre

Fraîche, comme une couverture au parfum de rêve

Comme une puissance protectrice de la petite maison aimée

Tilleul que je gravissais pour détacher tes fruits en papillotes

Tes miracles ailés

Leur parfum n’entête pas, infuse en les sens une histoire de permission

Une envie d’y revenir pour tresser la matrice de ta veine joyeuse

Tilleul dont la présence offre un seuil où rêver

Observer attendre compter décompter fulgurer méditer

Je ne me tairais pas tant que ton miel en fusion

Ravira la faune et mon humble glotte.

 

Carole Radureau (03/04/2021)

 

 

…….poésie d’avril 2021….

……pas un jour sans poème…..

 

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A
Chaque arbre a son pouvoir, le tilleul pour moi est celui du bienêtre qu'on ressent les soirs d'été, quand il a fait trop chaud et qu'on se laisse tomber sur un banc sous les parfums délicieux.
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C
C'est vrai que l'ombre du tilleul est précieuse et propice au repos, le parfum est excellent mais parfois on a une invasion de bestioles noires qui nous empêchent d'en profiter et de cueillir les fleurs. L'année dernière on y a eu droit.
H
Mon vieux tilleul me manque autant que les châtaigniers !
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C
Je te comprends. Quand nous avons emménagé ici, mon vœu a été de très vite planter un tilleul, car j'avais toujours vécu à l'ombre du très grand tilleul au pied de la petite maison de mes grands-parents. Maintenant mon tilleul a poussé et cette année nous avons la chance d'avoir un petit couple de mésanges bleues qui a bien voulu habiter la petite maison que l'on y a mis. C'est ravissant. J'en profite avant que les feuilles ne cache leur intimité.