Souffre en silence
Publié le 28 Août 2020

…..Souffre en silence – Poèmes pour les hypersensibles chimiques multiples (MCS)……
Je n’ai pas demandé de révolutionner vos vies
Je n’ai pas demandé de révolutionner la mienne (quoique personnellement je voulais m’y prendre autrement)
Je n’ai pas demandé d’être ainsi
Du jour au lendemain
Inapte à la vie
Inapte à la société humaine la grande civilisation
La reine du confort et les trois singes réunis
Non, je n’ai pas demandé d’être chiante
Non adaptable à quoi que ce soit
Exilée dans ma propre maison
Asociale antisociale anti-tout.
Mais tu vois quand la souffrance est là elle isole
La souffrance
Elle est invisible
Vous ne la comprenez pas
Car cette souffrance semble incohérente :
Un malaise pour une vague odeur que l’on ne sent presque pas
Ça ressemble à quoi ?
Et puis tu vois notre situation demande du changement
Elle demande un retour sur les choses
Elle montre du doigt la vérité des substances chimiques qui jonchent nos vies quotidiennes
Nos chers Home sweet home bourrés d’ennemis silencieux :
Notre poison quotidien.
Alors quand on souffre on se sent seuls
Plus seuls encore que lors des autres souffrances
Cela fait deux souffrances :
La souffrance elle-même et celle de ne pas être compris.
Autour de soit le déni
Le « je n’y crois pas trop » à cette thèse de MCS
Le « ça saoule » car il faut s’adapter
Le « mais c’est impossible de tout changer » : un mode de vie à revoir à partir du néant
Un grand recommencement
Autour de soit ça gêne de penser que ces biens matériels qui construisent une réussite sociale
Ce grand désir de possession d’objets souvent inutiles
Oui c’est dangereux, oui c’est à manier avec prudence
Oui on peut en claquer au bout du compte du confort :
Notre maison-poison, notre nid douillet pollué.
Mais tu vois notre rêve
C’est de l’air pur
Mais tu vois ce rêve
Il n’est pas réalisable :
Tu ouvres la fenêtre pour t’oxygéner
Qu’y trouves-tu, qu’y sens-tu ?
De l’air pur ?
Non, en dehors de la période de confinement, jamais d’air pur
Tu veux te détoxyfier de ton intérieur
Prendre une seule petite bouffée d’air pour vivre ensuite ta journée en apnée ?
Impossible :
La lessive d’une voisine sur le balcon
Le voisin qui fait du barbecue
La vague de pollution de 18 heures
Un feu qui consume des champs de culture
Le week-end c’est reste enfermé chez toi !
Car tout ceci se conjugue par X
Y compris la pollution des départs en week-end.
Alors souffre : oui !
Souffre parce la vie elle ne veut plus de toi
Tu n’es plus adaptable ma pauvre fille
Fallait mieux t’organiser
Fallait être prévoyante
Eviter la phase chronique
Fallait faire ce qu’il fallait
Eviter « la faute à pas d’chance ».
La souffrance se partage-t-elle ?
La souffrance se diffuse-t-elle ?
A-t-elle un devoir de mémoire ?
Une phase de décompensation ?
Un livre des questions ?
Un cahier de doléances ?
Un cahier de système D anti-elle ?
La poésie est là comme une sœur, que dis-je
Une mère
Une maman qui console qui cajole qui n’a pas toujours les réponses
Mais qui est là.
La souffrance se regarde d’un air hébété de celui qui ne veut pas la voir
Elle vous dit tout haut ce que vous ne voulez pas croire, pas voir, pas entendre, pas comprendre, pas sentir, pas vivre
C’est un corps de souffrance grand ouvert, là, les pattes écartées
Pour mettre au monde un monde
Où les gens souffriront quoi qu’il en soit car cette souffrance-là
C’est la marque tangible de la fin de votre monde.
Nous, les MCS sommes les messagers de souffrance
Les lanceurs d’alerte de souffrance
Les écorchés vifs de la souffrance invisible, inconnue, non reconnue, non curable.
Donnez-moi le ciel aux étoiles écarquillées comme des paillettes de rêve
Donnez-moi l’oiseau aux multiples couleurs qui guérissent les multiples maux
Donnez-moi la lune au pouvoir vivifiant, curatif et le verbe
Donnez-moi l’amitié, l’honnêteté, la sincérité, l’empathie comme poèmes pour écrire nos vies.
Carole Radureau (28/08/2020)