L’arbre a la sagesse du tronc
Publié le 7 Juillet 2020
Jadis
les arbres
étaient des gens comme nous
Mais plus solides
plus heureux
plus amoureux peut-être
plus sages
C'est tout.
Jacques Prévert
Arbres
Gallimard, 1976
L’arbre a la sagesse du tronc
La délicatesse des veines ouvertes sur le monde
Il décide parfois d’imiter les formes humaines ou
Est-ce le temps qui nous joue des blagues
Mettant ici un museau
Ici des bras
Ici des oreilles
Ici des yeux pour sculpter un visage
Comme un interlocuteur précieux.
Avec sa tête de Bourriquet
L’enfance est là sur les pas de Winnie
Avec sa tête de lama
Elles sont bleues les crêtes lointaines de la cordillère
Avec sa tête de sanglier de cochon de pécari
C’est la nature-même qui s’invite à la table du déjeuner
Avec son groin de rucher
C’est tout un monde qui vit et grouille en lui.
Le bois a gémi trois perles de duramen
La racine a pétri trois grammes de champignons farcis
La sève a écrit trois lignes de poésie des bois
Le feuillage a compté jusqu’à trois
Puis s’est jeté dans le vide
Que la litière est moelleuse pour accueillir le sacrifice de l’aube
Que l’humus sent bon la chair ferme de la terre
Comme elles sont généreuses les fourmis découpeuses de mes feuilles
Comme elles sont drôles les abeilles charpentières
Tout est imité, copié et l’oiseau s’y met aussi
Singeant la complainte des hommes qui ne se tourne que vers eux-mêmes
Dans la fumée rose du matin qui se lève le merle
A imité nos cris
Il en a fait une ritournelle destinée aux oreilles de l’arbre
Qui n’en a pas encore.
Carole Radureau (07/07/2020)