La fourmi (Plaidoyer pour les peuples originaires)
Publié le 29 Avril 2020
Comme une petite fourmi j’avance sur cette terre
Une lourde charge sur les épaules
Le chemin est long
Chaque jour sinueux
L’encre des mes jours ne coule pas toujours en abondance
Je porte malgré moi le désir de bien faire
Le désir de compenser et celui de satisfaire une information défaillante
Le vent des peuples originaires me porte
Le vent de leurs vies tant semées d’embûches
Le vent de leurs cultures si précieuses
Le vent de leurs sagesses si lumineuses
Personne et même pas eux ne m’a demandé quoi que ce soit
Certainement n’aimeraient-ils pas mes initiatives et je les comprendrais et respecterais leurs décisions
Pourtant le vent me dit, le vent me parle et la fourmi pédale
Dans la semoule trop cuite de la vie
Pour trouver la force
Pour continuer à vivre
Pour continuer d’y croire
Pour garder la lumière vive et éclatante, pure et originelle
Ces peuples-là m’ont sauvé une ou deux fois la vie
Ces peuples-là sont semblables aux racines véritables qui irriguent chacun de nos sens
Nos vérités premières
Les premières vérités oubliées, négligées, rayées et rangées dans les placards
Et là leur urgence habituelle se double d’une urgence encore plus terrible
Et je suis chaque jour le cours des ríos et je traduis chaque jour leurs appels, leurs SOS
Leurs dénonciations, leurs grandes peurs, leurs souffrances, leurs faims, leurs courages, leur grande détermination
Et c’est une fourmi qui traduit, qui dicte, qui cherche à comprendre, qui étudie la langue, la géographie, la culture, les traditions, les noms qu’ils se donnent, oui, chacun d’eux et leur singularité
Et je les aime tous parce qu’ils sont authentiques, simples et vrais comme j’aime que le soient les êtres humains
Et je désire être une fourmi avec une petite puissance qui propulse leurs paroles, leurs revendications et leurs pleurs aussi par-delà la planète et que ça touche une autre fourmi, rien qu’une, je ne suis pas exigeante, rien qu’une : toi par exemple !
Et la fourmi se sent seule parfois dans sa fourmilière désertée, elle se sent PIACI, peuple en isolement volontaire
Et son histoire de fourmi calque tant à l’histoire des peuples originaires
Cette décalcomanie est un brouillon prospère qui dicte des valeurs à porter comme des vêtements essentiels
Je vis pour eux, je vis par eux, je dors avec eux, je pense à eux, j’ai très peur pour eux, je pleure pour eux car la fourmi est impuissante pour régler plus de 500 ans de dégâts, d’affronts, de dépouillements, d’épidémies, de meurtres, d’abus, de vols de terres, de viols, de dénis, de racisme, de discrimination, de sacrifices, de pillages, de souillures
Ils ne se plaignent pas, non, ils ont cette humilité qui nous manque tant
Ils se débrouillent comme ils le peuvent, oui, car ça, ils savent le faire
Ils sont en attente d’aide, oui, car chaque état leur doit cette aide
Ils sont organisés, oui, car ils ont cette intelligence de l’adaptation
Ils sont à leur place, oui, car ils ont encore cette chance qui parfois est une malchance mais ils ont encore le choix et c’est pour cela que je me bats
Ils ne demandent rien d’autre que de vivre en paix sur leurs territoires
On leur doit bien ça, comme on leur doit !
Mais même ça, c’est impossible car aux autres, à nous en l’occurrence, il nous faut tout
Tout ce qui se pille, tout ce qui enrichit, tout ce qui soigne, tout ce qui se mange, toutes leurs connaissances, toute leur sagesse, toutes leurs pratiques, mais non leurs conditions de vie.
Carole Radureau (29/04/2020)