La pierre est ma confidente

Publié le 6 Mars 2019

La pierre est ma confidente

« Tout est oublié avant d’avoir été dit.
Et le silence n’est pas un refuge. »
Yannis Ritsos


En suivant le chemin de la sarriette
Vient à moi la minéralité
Même si les paroles restent muettes
Aux pierres je parle
Elles savent écouter.

Le silex est un ami de toujours
Je lui confie le vent et sans détours
Il tisse le poème du chant lugubre
Il tisse le silence avec un fil barbelé.

Ma voix ne résonne plus au sommet des monts
Mon chant s’est brisé sur la barrière des hommes
A ne plus se cogner aux autres voix
La luette est devenue muette.

Ici mieux vaut ne pas parler
Trop
Il faut compter les consonnes
Conjuguer les voyelles
Utiliser les métaphores
Que seules les pierres comprennent
En déchiffrant le chant du goéland.

Le froid est un compagnon de chaque jour
Il faut se contenter du peu
Il faut comme la pierre
Etre figé, observer, s’adapter
Puiser dans sa force la nôtre
Identique
Il faut comme la pierre
Etre lettre morte
Mais peser plus que tout son poids
De présent.

Carole Radureau (06/03/2019)

12 novembre

L’après-midi, nous avons porté des pierres. Travail rapide
De main en main. Le soleil hivernal ;
Les barbelés ; les cruches ; le sifflet du gendarme.
Ici finit le jour. Au soir, la fraîcheur tombe.
Rentrons plus tôt. Mangeons notre pain.
Bon travail, camarades, travail facile
De main en main. Tout n’est pas si facile
Le reste ne va pas de main en main. Cela se voit,
Même si le visage ne change pas beaucoup. Cela se voit
A l’entaille entre les sourcils
A la bouche ouverte sans parler
Au silence avant le souper et même
Aux deux doigts qui remontent la mèche de la lampe.

Yannis Ritsos, Journal de déportation

Jours pierreux, paroles pierreuses.
(...)
Les choses sont comme elles sont.
Ce n'est rien.
Le rien n'est pas tendre.
Il est pierreux.

Yannis Ritsos /24/11/48) Journal de déportation



Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Aragonite

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A
Tu as supprimé mon com'? Il n'était peut-être pas bien remarque...<br /> Je te disais que je voyais ton poème comme un miroir à celui de Ritsos et que j'aimais bien...
Répondre
C
Je ne crois pas avoir vu de commentaire avant celui-ci, tu sais sur ce blog, les commentaires apparaissent, ils ne sont pas modérés comme dans l'autre . Mais je crois qu'il y a encore beaucoup de turbulences sur la ligne....<br /> Oui, je suis déjà très imprégnée par les conditions décrites dans les poèmes de Ritsos, je m'y suis très vite identifiée aussi mais pour d'autres raisons, moins terribles mais qui sait. Une autre forme de déportation, à l'intérieur de soi, à l'intérieur de chez soit, avec la perte de tout ce qui rend digne un être humain. Et Ritsos est un modèle alors, car si lui et les autres ont pu survivre à cela, nous on peut bien survivre à nos petits maux.