Conte du tilleul soudainement dévêtu
Publié le 21 Novembre 2018
Il était une fois un tilleul
Mon tilleul
Elancé
Sombre
Et fort
Qui voulait à son ancêtre
Ressembler
Tilleul-le-grand de mon enfance
L’arbre aux palabres normandes.
Mon tilleul, tilleul-le-fils était désemparé
Il avait pris soin tout l’été de sa parure
Elle le rafraîchissait
Fournissait un abri sûr à une petite faune délurée
La robe de feuilles de tilleul-le-fils
Verte parure au sang d’émeraude
Un jour pourtant
Avait
Chu.
C’était trop tôt pensait-il
C’était trop frais
C’était comme un dépouillement
Un soupçon de lune taquine
Un grand coup de vent
Un coup de pied dans son derrière de tilleul
Et les feuilles
Petites suspensions à peine accrochées
Etaient parties rejoindre un tapis
Moelleux
A souhait.
Sur le sol gisait la parure
Une garde-robe longuement élaborée
Il n’y manquait rien
Les bas les soutiens-gorges les foulards les chouchous
Les caleçons les maillots de bain les parkas les chapkas
Une somme folle de dépenses de vie d’âme de patience
Tout-à-coup, là
Ce jaune tapis de velours et d’amour
Jamais plus
Ne couvrirait un sein ou une oreille.
Tilleul-le-fils
Avait froid
Il tremblotait ne sachant réguler sa température
Il y avait quelques mésanges et quelques gendarmes
Qui lui chuchotaient au creux de l’aine
Des mots tendres
Encourageants
Mais
Sans son keffieh
Sans son snood
Sans ses gants
Tilleul-le-fils était bien démuni.
Je regarde mon tilleul
Celui qui a hérité de tilleul-le-grand
Une capacité à croître
Un génie de veille-tendre
Un soupçon de capacité
Il ira loin si on lui prête un peu d’espace
Si on l’aime comme il le mérite
Si on lui parle
Ecrit sa vie
Comprend son tourment
Déchiffre sa peine
Il ira loin
Sous la terre son cœur de racines s’est installé
Une chaude litière envoie au cœur de branches
Une mélopée
Dans le gel dans la neige dans le vent dans la solitude
Tilleul-le-fils
Est un futur géant
Qui n’a pas encore reçu le
Sacrement
De la forêt.
Carole Radureau (21/11/2018)