Le poète a toujours raison….

Publié le 9 Avril 2016

….et bien malin qui peut dire de quelle couleur, de quelle nuance ou de quel ton est sa pensée au moment même où le mot jaillit comme un éclair, comme un miracle sur la feuille, sous ses yeux.

Le poète écrit et rien ne veut dire ce que  le texte ne veut pas dire.

Il dit cela que la muse lui souffle à l’oreille.

Il n’est sans doute pas conscient quand celle-ci récite les mots et que lui, les retranscrit.

Pourtant, le poète écrit et parfois il dit ce qu’il pense.

Pourtant, le poète écrit et souvent il dit ce qu’il a sur le cœur.

Mais, tout philosophe que soit le philosophe, tout analyste que soit l’analyste, tout journaliste que soit le journaliste, il ne sait pas ce que veut dire vraiment le poète et ce qui a lui-même a échappé, qui peut dire qu’il l’a attrapé ?

Les mots ont un sens mais dans la poésie, ils en ont mille.

Le mot a un contour et des formes, un paysage multiple, sans cesse renouvelé par la poésie.

Le mot est un magicien qui se transforme au gré des pages, au gré des textes, au gré des modelages que l’esprit lui inspire.

La poésie a de la force.

C’est sans doute elle qui peut faire peur, qui peut provoquer la colère, la haine, la jalousie ou le mépris.

La poésie a de l’énergie.

C’est sans doute elle qui imprime un souffle qui fait aimer, détester ou ignorer un texte.

Le poète est un scribe au service des mots.

Mais les mots ne sont jamais communs, ils ont un plus que seule la poésie peut leur donner.

Un mot, une muse, une énergie, une main pour écrire.

Il n’y a pas de procès, il n’y a pas de mauvaises intentions.

On lit, on aime, on garde dans sa mémoire des fragments comme autant de fleurs qui embaument ou de sucre qui répand sa chaleur.

On lit, on déteste et on tourne la page. On l’oublie.

On lit, on ne peut pas finir car cela fauche la lecture comme un croche-pied.

Tant pis, ce sera pour une autre fois.

Mais il convient d’essayer à nouveau.

La poésie est difficile à lire. Il faut toquer à sa porte avant d’entrer.

Lui demander si elle veut bien de nous, de notre analyse, de notre sentiment, de notre attention, de notre tendresse.

Et quand elle ouvre la porte, on peut entrer dans l’univers de la magie comme un clown entre sur la piste en se prenant parfois les pieds dans le tapis mais il entre, triste ou gai, il mime son message, il envoie une onde et chacun la reçoit comme il a envie de la recevoir. La synthétise, l’assimile, la rejette ou la renie.

Mais, en tout ceci, et en toute éternité, le poète a toujours raison.

Surtout quand il a pour nom, Mahmoud Darwich.

Carole Radureau (09/04/2016)

5.
Vous qui passez parmi les paroles passagères
Il est temps que vous partiez
Et que vous vous fixiez où bon vous semble
Mais ne vous fixez pas parmi nous
Il est temps que vous partiez
Que vous mouriez où bon vous semble
Mais ne mourrez pas parmi nous
Nous avons à faire dans notre terre
Ici, nous avons le passé
La voix inaugurale de la vie
Et nous y avons le présent, le présent et l’avenir
Nous y avons l’ici-bas et l’au-delà
Alors, sortez de notre terre
De notre terre ferme, de notre mer
De notre blé, de notre sel, de notre blessure
De toute chose, sortez
Des souvenirs de la mémoire
ô vous qui passez parmi les paroles passagères

Mahmoud Darwich, Passants parmi les paroles passagères

Le poète a toujours raison….

Questions d’un journaliste israélien à Mahmoud Darwich (extraits de l’affaire du poème)

  • Avez-vous dit : « Sortez de notre blessure « ?
  • Je l’ai dit.
  • Pourquoi ?
  • Parce que ma blessure m’appartient. C’est une partie de mon identité. Y avez-vous droit ?
  • Non, mais nous avez-vous dit : « Sortez de notre blé » ?
  • Oui, je l’ai dit. Car mon blé est mon pain propre. Y avez-vous droit ?
  • Non, mais nous avez-vous dit : » Sortez de notre mer « ?
  • Oui, je l’ai dit. Et même « Sortez de l’air et de la terre occupée ».
  • Mais il n’y a pas de mer en terre occupée.
  • Ne connaissez-vous pas la carte de la terre que vous occupez ? Gaza est sur la mer.
  • Voulez-vous dire par là qu’il s’agit de la mer de Gaza ?
  • Cette mer s’appelle la Méditerranée, pas la mer de Gaza.
  • Voulez-vous dire que nous devrions nous noyer dans la mer ?
  • Je vous ai dit : « sortez de la mer ; je ne vous ai pas dit : « allez à la mer ».
  • Que voulez-vous dire par ces propos : « Vous qui passez dans la mer de mes paroles » ?
  • Je n’ai pas dit cela. J’ai dit : « Vous qui passez parmi les paroles ». il y a une petite différence entre le mot « mer », bahr, et le mot « parmi », bayn.
  • Maariv et d’autres organes d’information israéliens affirment que vous avez dit « mer des paroles ».
  • Je connais mieux mon poème que ne le connaissent les organes d’information. Et même si j’avais dit « mer des paroles, où serait le problème ?
  • Ce serait une invitation à nous jeter à la mer.
  • Vous me donnez envie de rire.
  • Avez-vous dit : « Nous avons ce qui n’est pas en vous, une patrie et un avenir « ?
  • Oui, je l’ai dit. En quoi cela vous choque-t-il ?
  • N’avons-nous pas une patrie et un avenir ?
  • Vous n’avez pas de patrie ni d’avenir dans l’occupation.
  • Dites-moi quel est votre pays ?
  • Mon pays, c’est mon pays, la Palestine.
  • Toute la Palestine ?
  • Oui. Toute la Palestine est mon pays. Quelqu’un vous a-t-il trompé en prétendant que la Palestine n’était pas mon pays ?
  • Non, mais c’est mon pays.
  • Vous, vous estimez que votre pays s’étend du Nil à l’Euphrate, alors que moi je pense que seule la Palestine est mon pays.
  • Et nous, quelles sont nos frontières ?
  • C’est à vous de dire quelles sont vos frontières, à l’intérieur de notre pays. Car les bottes du soldat occupant ne peuvent pas tenir lieu de frontières, comme le pensait le général Dayan. Nous, nous ne demandons pas quelle est notre patrie, parce que nous la connaissons très bien. Nous, nous demandons simplement sur quelle patrie de la terre de notre patrie sera fondé notre Etat. Nous, nous ne vous avons rien pris. Ce que nous prenons est à nous. Si vous vous retirez de chez nous pour retourner dans ce qui est à nous, cela ne veut pas dire pour autant que vous prenons quelque chose. Vous comprenez ?
  • Non, je ne comprends pas.

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Aragonite

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