Publié le 29 Août 2019
Je viens te chercher, frère, car j’apporte le poème,
ce qui revient à porter le monde sur le dos.
Je suis comme un chien qui rugit tout seul, qui aboie
contre les fauves de la haine et de l’angoisse,
qui fait rouler la vie au milieu de la nuit.
J’apporte rêves, tristesses, joies, douceurs,
démocraties brisées comme des cruches,
des religions pourries jusqu’à l’âme,
des rébellions en germe crachant des langues de feu,
des arbres qui n’ont pas
de suffisantes résines amoureuses.
Nous sommes sans amour, mon frère,
et c’est comme être aveugles au milieu de la terre.
J’apporte des morts pour effrayer
Tous ceux qui jouent avec la mort.
Des vies pour égayer les doux et les tendres,
des espérances et des raisins pour ceux qui souffrent.
Mais j’apporte avant tout
un désir violent d’étreindre,
tonitruant et grand
comme une tempête sur l’océan.
Je veux faire avec les bras
un seul bras de douceur
pour entourer la terre.
Je désire que tout, que la vie soit à nous
comme l’eau et le vent.
Que nul n’ait jamais d’autre patrie que son voisin.
Que nul ne dise plus ma propriété, ce bateau qui….
mais notre propriété, à Nous les Hommes.
Jorge Debravo (1938/1967)
Nosotros los hombres
Traduction de Julián Garavito