l'arbre qui fait parler de lui

Publié le 11 Novembre 2021

 

Ne m’écorcez pas.

J’ai la verve haute

Et la veine précieuse

Un abri sous la peau

Une cache à exclus

Une cachette pour les timides

Et pour les asociaux.

 

Ne touchez pas à ma peau de vieil éléphant

Je sais, dans mon jeune temps on me disait « peau d’orange »

C’était péjoratif et j’en ai fait couler des larmes

Puisées dans mon âme pure

Car j’étais sensible aux mots

J’étais jeune, alors, je ne savais pas

La futilité, la vanité des propos

La méchanceté gratuite

Le pouvoir de l’image

Et du jugement.

 

Je grossissais sans cesse.

Normal : je grandissais aussi.

Je vieillissais aussi.

Mon tour de taille épaississait.

Ma sagesse également.

 

J’en ai mis du temps pour arriver à vous regarder

De si haut.

Vous êtes si petits !

J’en ai de la peine !

Vous êtes si creux !

J’en suis tout chagriné !

 

Pourtant après tout ce temps il s’avère

Que je serais le dernier

Oui, le dernier arbre sur terre.

 

Ils n’ont pas voulu de moi

Ni pour me séduire

Ni pour me juger

Ni pour me détruire en me coupant :

Je ne valais même pas le bois de volée

Ni l’écorce d’orange qui parfume le pot pourri.

 

Pourtant en moi ça grouille de vie

Ça grouille justement et c’est ça qui fait peur

Je suis devenu l’abri de tant d’insectes

De tant de gens

De tant de naufragés, laissés pour compte,

Déracinés, migrants climatiques et j’en oublie

Que mon corps est un ilot précieux et funeste.

 

Que ferons-nous sans air

Sans atmosphère sans chlorophylle

Avec au-dessus de nous ces navettes spatiales qui tournent en rond

Elles n’osent plus poser le pied sur cette terre détruite

Démentielle

Cette bombe qui n’attend qu’un pet de vache pour péter aussi.

 

Ils sont là, à tourner comme des toupies

Avec leur vol spatial de tourisme soi-disant

Comme si

Observer la terre que l’on a détruite de l’espace

C’est un gage pour l’au-delà pour s’ouvrir des portes

D’un paradis qui n’existait que sur cette terre follement détruite.

 

Car oui le paradis c’est ici.

Facile à dire

Me répètent chaque jour mes locataires

Et je les comprends

Mais j’y crois, moi, à mon dire car je suis si vieux

J’ai vu ce paradis

Je l’ai là, bien calé en mes veines

Et mes écorces en sont les parchemins

Ils ne l’on pas vu ces fous, le paradis

Ils avaient les pieds en plein dedans

Qu’ils n’en avaient jamais assez de tant de richesses

De piller, de piller, de piller

Sans voir le fruit, sans voir l’arbre, sans voir

Sous l’écorce

Le cœur de la vie.

 

Carole Radureau (11/11/2021)

 

Inspirée par cette photo de Serge

Le paradis

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Rédigé par caro et hobo

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Publié le 2 Novembre 2021

 

Poussé par l’adéquation des ans

Le tronc a chu de tout son long

C’est comme l’assassinat d’un géant

De cet autrefois grand

Qui dominait la selve

 

Il a bon dos le temps qui ne fait jamais

Rien à l’affaire

Pourquoi, mais pourquoi

L’avoir poussé ?

Qu’il tombe comme un vieillard brisé

Que sa colonne se brise

Que ses os éclatent comme par un marteau

Pilés ?

 

Non.

Il n’y a pas de dégât

Il n’y a qu’une suite d’évènements

Non tragiques

Juste à leur place

Pour émerveiller les insectes

Abriter les châtaignes qui veulent fuir la nappe à trous

La grande attrapeuse

 

Ici le vieillard rend service :

Oh : combien !

C’est une matière propice

Un matériau sous la main de la vie

Et ses racines, à lui

Continuent leur chemin

Saluant tant de mains de confrères

Encore debout et fiers

 

Ici rien ne se perd

Tout se recycle

C’est le grand cercle de la vie

Auquel j’aimerais me joindre moi aussi

Comme une relique participant

A cette grande humusation.

 

Carole Radureau (02/11/2021)

 

Inspirée par cette photo de Serge

Le grand cercle de la vie

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Rédigé par caro et hobo

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Publié le 31 Octobre 2021

 

Flamboie malgré la pluie

Flamboie malgré l’aurore

Et le chant lugubre de la nuit

Et le picotement rythmé du pic

 

Envoie par-delà les frontières

Des feuilles par la vérité écrites

Des paroles au sang de miel

L’histoire d’une lignée

 

Permets aux êtres de lumière

Permets aux korrigans, aux lucioles

De rompre la chaîne de la conscience

S’emparant les légendes à pleines mains

 

Ouvre les yeux des ignorants

Leur instillant à l’iris la miel

Et ce je ne sais quoi d’innocence

Adoucissant la proie aux calculs

 

Jaunis le ciel.

Sois prévenant.

Sur ton séant

Assis depuis si longtemps

Tes racines ont trempé dans l’ère des reproches

Qu’il faut à présent

Envoyer

Par-delà les monts, par-delà les sucs

Dans les brassées de genêts

Dans les citrouilles qui sourient sans leurs dents

Sur les tombes de ceux qui sont partis sans avoir tout dit.

 

Jaunis la terre.

Orange les mots de l’alerte au ton rouge.

Et si, malgré tout

Le message ne passe pas

Que la frontière l’arrête

Que l’être soit sourd, idiot ou débile

Rougis l’an prochain

Sors le message aux gros yeux

Qu’elle flamboie ta parure

Qu’elle en jette des flammes

Qu’elle éclabousse jusqu’à mille lieux :

Il faut que la terre à travers ton miel d’automne

Soit entendue

Il faut que l’arbre s’évertue en toute occasion

A crier sans se taire

A crier de tous ses yeux

 

Elle s’est emballée la nature

Et son messager prend froid.

 

Carole Radureau (31/10/2021)

 

Inspirée par cette photo de Serge

 

Le flamboyant

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Rédigé par caro et hobo

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Publié le 27 Octobre 2021

 

Je suis mort !

Et peut-être, vous ne me croirez pas.

 

Loin d’être couché

Sur le sol

Comme tout être mort

Ma nature à moi

Me conseille de rester debout

Face à l’adversité

Et voici mes bois

Fiers comme des andouillers

Qui propagent leur soie

Au-delà des frontières

Et l’on n'entend presque mon cri de rut

Rebondir sur des troncs

Pas très vivants, non plus,

Pas très vaillants, non plus,

Impermanence des choses

 

Je suis mort !

Et nul doute, vous pleurerez, l’apprenant

C’est que je n’y vais pas de main morte

Aussi crûment, l’annonçant

Ma vie était ce qu’elle fut

Et j’y croyais

Jusqu’à la fin

Seulement, moi, l’arbre, la fin

Je ne la savais pas possible

Aussi

Je ne m’en souciais pas

 

Pourtant ça me fait tout drôle

Ne plus sentir la fourmi dans mon tronc

Ne plus être admiré et choisi pour ma force

Par les oiseaux

Mon ego prend l’air

A présent je ne suis choisi

Qu’en perchoir

Comme un truc que l’on achète pour mettre dans une cage

Pour que la perruche se prenne pour une acrobate de cirque

 

Ça me fait bizarre

Le calme a envahi mon bois

Nul picotement arrive jusqu’à mes bois

Je ne suis même plus antenne

Je me laisse peu à peu envahir

Ah ! comme j’ai hâte qu’on me recouvre

De vert, vert comme je t’aime vert

Vert ramage, vert plumage, vert comme la vie

Vers qui je me tournais et qui m’a fui

Mais pourquoi donc ?

Mais pourquoi donc ?

 

Sortez de terre mes petits rejets

Que les larmes qui semblent encore vivantes

Dans l’extrémité de mes cernes

Ne jaillissent

Que d’écrire de vous écrire ainsi

Je me suis mis le bourdon

 

Je suis mort !

Disais-je

Vive moi !!

 

Carole Radureau (27/10/2021)

 

Inspirée par cette photo de Serge

 

 

Je suis mort ! Dit l’arbre

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Rédigé par caro et hobo

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Publié le 2 Octobre 2021

A l’assaut de la cime

 

A l’assaut de la cime, perle

Accroche-toi

Mes bras n’attendent que toi

Au demeurant des elfes

 

Un tronc sinueux et profond

Comme un cerf aux abois

Rythmé au son de la trompette du ciel

Et des altos dantesques des fées des nuages

 

Ici, perle s’écrivent des autoroutes de vers

Aux semblants puissants et évocateurs

Nulle envie nulle identité nul règne nulle attente

 

Jusque le décimètre de la fougère

Pour décalquer le gypse sur un tronc de lumière

 

Juste la robe de grès en saucière

Accompagnée d’un petit ris de vie aux oignons rocamboles

 

Juste une soupière de perles de rosée

Entourée d’une selva de lichens énamourés

Inspirée par le velouté profond d’un duramen

Endormi.

 

Carole Radureau (02/10/2021)

 

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Rédigé par caro et hobo

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Publié le 16 Septembre 2021

Exotisme

……campagne magnanvilloise….

 

 

La vie n’est pas facile pour l’exilée

Seule au milieu de cette contrée inconnue

Dans cette lisière où l’on a été déposée

Faible et nue

Petite graine

Abandonnée

 

Autour dominent les grands chênes

Ce n’est pas la vie au milieu d’une majestueuse selva

Un grand bois fier et dont sont arpentés les chemins

Par des pieds réputés

Ici ce n’est qu’un petit bosquet

Un résidu un vestige un que l’on laisse sur pieds

Pour faire genre

 

Mais voilà c’est ici que l’exotisme allume

Faiblement mais sûrement

Son petit air vert tendre

Sa petite bogue remplie de piquants

Qui certes ne concurrencera en rien

Les cousines ardéchoises et corses

 

Oh ! Elles n’auraient pas grand-chose à se mettre sous la dent

Les hordes de sangliers habitués aux soupes de glands

Il n’empêche que dans cette terre inhabituelle

Elle a fait son lit

Elle a su trouver une lumière pour épanouir son regard

Elle a su grandir gênée aux entournures

Sans jamais aucun regard sur cet arbre qu’elle est devenue

Car personne ne se dit qu’ici

Il est bien exotique, loin de ses domaines

Loin de ses sols aux humus profonds

Aux odeurs profondes

Aux légendes profondes

 

Là-bas dans la lisière du «grand » bois des Terriers

Il y a un ou deux cousins éloignés

Aussi frêles et souffreteux

Comme de petits arbres en peine

Implantés sur un sol entouré de gens

Qui ne se soucient pas de leurs grandes promesses

De leurs grandes tendresses.

 

Carole Radureau (16/09/2021)

 

Exotisme

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Publié le 12 Septembre 2021

Les forêts sont les fruits de l’histoire

 

…….campagne magnanvilloise…..

 

 

Je ne sais pas ce que tu as

A cœur

Je ne connais que ton apparence

Ta libre évidence

Ta vérité première

Ta hauteur me laisse à penser

Que tu as ta part des ans

Qu’ils sont nombreux

A avoir cheminé

Sous tes ombrages subtils

Combien de pas

Brisèrent tes fruits

Tombés comme des fruits inanimés

Pommes de glands

Délaissés car ignorés

Alors que les sangliers eux les apprécient ?

 

La marche sous le chêne est fraîche

Et rieur le son de sa gorge

Il a chanté comme un cœur qui s’élève

Planté naturellement ou fruit de la culture

L’histoire fait et défait les forêts

Elles sont là comme accompagnatrices

On en tire le bon on leur fait le pire

Nous ne sommes plus, humains

Fils de la réciprocité

 

Autrefois l’arbre, l’homme

La nature, les animaux

Vivaient en harmonie

Il n’y avait qu’une lutte pour les vies

Le respect semblait plus évident

 

A présent l’histoire s’écrit en lettres de sève

En lettres d’ironie

 

L’arbre ne peut fuir

Il a grandi dans cette certitude et ses racines

Se font la belle tant et plus

Avec leurs messages ; leurs unions ;

Leurs SOS ; leurs caresses

 

J’aime à penser à ces toiles-ci

Qui se tissent sous nos pas

Ces résistances, ces puissances

Ces histoires de canopées à l’envers

Qui sait la poésie naît-elle ici bas

Dans l’entremêlement des racines

Comme une toile d’araignée

Dans laquelle se perdent ses mots

Gouttes de rosées, gouttes de sèves

Fruits des arbres qui trop souvent

Se sont tus.

 

Carole Radureau (12/09/2021)

 

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Publié le 10 Septembre 2021

L’arbre qui cache…..

……..campagne magnanvilloise…..

 

L’arbre qui cache la lisière

D’un bosquet

La chevelure du champ

Comme une perruque sur une tête

Déposée par la licorne des anges

 

L’arbre qui cache

Qu’il est

Un arbuste

Il a de grandes ambitions

C’est qu’il se sent fort et

Aimé

Au milieu de cette jolie jachère

Comme un coq au sommet de son tas de détritus

 

L’arbre qui cache

Une grande volonté

Le désir de plaire

Le désir de croître

Le désir de se multiplier

Le désir de vieillir relativement longtemps

Le désir de renaître

Dans une pierre un oiseau, un cours d’eau un papillon

Non, pas un gens

Pas trop fan de gens

Ils passent chaque jour

Ne le voyant pas, lui, si grand, dans sa simplicité

Ils passent

Préoccupés

Dans leurs pensées

Dans leur exercice physique

Dans l’exercice physique de la vessie ou de l’intestin de leur chien

Mais ils ne le voient pas

Pourtant n’est-il pas l’arbre

Qui cache la lisière du bosquet ?

Presque un bois

Du moins ce qu’il en reste

Là-bas réside un tiers de sa famille

Le reste fut sacrifié

Au profit d’un champ

Qui devint peu de temps après

Une jachère

Où lui, le puissant

Fils de la résilience

A su trouver la force de germer

Au milieu de l’indifférence.

 

Carole Radureau (10/09/2021)

 

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Publié le 9 Septembre 2021

 

……campagne magnanvilloise…..

 

Ils l’ont pris pour cible

Sur son tronc ils ont peinturluré

La marque du sentier

Nul ne l’ignore quand il chemine

C’est lui !

L’arbre qui porte et pourtant ne signe

 

Aussi il a décidé de protester

Portant son bras, son long bras

Pour l’asséner

C’est qu’il aimerait

De son coude dessiner

Une image forte et forte

Un beau bras d’honneur

Comme il se doit

 

Mais il est arbre et son bras, branche

Sa sève qui bouillonne

Bouillonne sans grand cru

Il a tourné son désespoir

Vers sa racine-mère

La forêt

Ce qu’il en reste

Ce peu de pitié résidant dans ce bosque

Histoire de dire : « on a pas tout croqué ! »

 

Peu importe le poète passe et voit

Il comprend qu’il ne comprend pas

Peu importe le poète passe et dit

Il emporte-emporte bien fort avec lui

La force de l’arbre anticonformiste

Celui qui dit celui qui fait celui qui imite

Celui qui trimballe

En ses gènes la vigueur du métal

La grande détermination des gagnants.

 

Carole Radureau (09/09/2021)

 

L’arbre anticonformiste
L’arbre anticonformiste

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Publié le 19 Juillet 2021

Par by Frances W. Horne for Flora Borinqueña — http://207.156.243.8/emuwebnybg/pages/common/imagedisplay.php?irn=113660, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1539471

Je suis le bois léger

Poussant sous les tropiques

Dont le nom espagnol vient de radeau

Dont de doux noms me vont comme un gant

Pripri, fwomagé mapou, patte de lièvre

Et vous me connaissez mais pas sur pied

Donc vous ratez ma magnifique floraison

Je suis le roi des matériaux composites

Qu’elle est puissante ma notoriété

On me cherche et me plante et me trouve et me coupe

Mais bientôt sans doute on ne me trouvera plus

Voilà que depuis le covid on se rue sur moi

Si bien qu’ils en arrivent à appeler cela :

Fièvre du balsa

Ils ont goût de moi, j’entre dans tant d’objets

Ils s’en fichent de tout déforester

Créer des friches

Des problèmes communautaires

Que le profit que le profit

D’un coup je me sens frère du caoutchouc

Et cousin du quina

Dès qu’un rush s’abat sur nous

C’est comme pour l’or, rien qui ne les arrête

Rien qui ne les combat, ne les abat eux qui ne savent qu’abattre

Débiter et piller :

8139 alertes de déforestation entre mars 2021 et juin 2021

1 alerte = équivalent de 2 terrains de basket

 

Moi qui suis le roi des bateaux, les radeaux qui flottent

Légèrement, avec aisance

Je m’en irai volontiers à vau l’eau

Leur damner le pion à ces pilleurs à deux balles

Ma tête bien calée dans le kapok de mes entrailles

Je dormirai sur l’eau

Mon dernier bois

Sauvé pour la circonstance

J’écrirai une page de renaissance

Allant m’implanter ici ou ici bas

Là où l’on me respecte

Prend soin de moi

Quoi, moi, le balsa

Ne suis-je pas précieux

Comme le sont toutes les espèces de cette planète ?

 

Carole Radureau (19/07/2021)

 

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