aragonite

Publié le 23 Septembre 2019

 

 

Prince des airs el señor Condor

Déploie sa majestueuse voilure

Au-delà de la cordillère et du temps

Son vol puissant est une ode à la vie

Dont la neige couronne

Le repas de sang.

 

 

Un autre vol de multitude celui

De la colonie de tricahues

Eclat bleu

Eclat vert

Entre la selva et l’océan

Le plumage de l’oiseau est un portulan

Précieux

Irrigué par la chanson du vent.

 

La jolie loïca perchée sur la clôture

Avec sa rougeur confuse son petit lait

De grenadine

Elle est une citadine en habit de campagne

Un fruit posé

Délicat

Sur le penchant de la vie.

 

Sur le salar

Soleil couchant

Quand se reflète la silhouette

Du géant

Volcan

L’onde dessine de petites mares d’argent

Dans lesquelles

S’admirent

Les roses flamants.

Le flamant du Chili, c’est le plus joli

Il est moins tranché

Plus subtil en vérité

Son rose est délicat

Sa figure paisible

Il est une fleur du sel

Une rose saupoudrée.

 

Dans sa petite tenue du dimanche

La diuca revient du marché

Le rose aux joues

La tête remplie de recettes nouvelles.

Oiseau de la douceur quand la rigueur

Dessine sur le monde son hâle hostile

La diuca est une petite poésie du Chili.

Dans son petit nid

Dé à coudre

Le picaflor domine le monde

Tout chez lui est miniature

Sauf sa culture

Sa science

Est plus grande que le monde

Sa beauté est la perfection-même

Et son profil

Un cadeau.

 

Le choucao est le roi des bois

Son auréole rougeoyante est aux abois

Quand un collègue se pointe sur son territoire

Il défend bec et ongle sa parcelle

Il envoie de petites étincelles

Colériques et profondes

Comme la tranchée écarlate de sa livrée.

 

Le poète est un conteur de vie

Qui écrit et décrit en son âme

Son sentiment

Il est un transmetteur de sensations

Un enjoliveur de formules poétiques adaptées

Au ressenti profond du battement de la mère

Quand elle envoie à ses enfants

Tant de beautés.

 

Il sait regarder

Il sait sentir et ressentir

Il est toujours connecté

Il a le sens du moment présent.

 

Dans ses mots son autant de lueurs fugaces

Et éternelles pourtant

De ce dessin du monde

Croqué

Avec passion.

 

Le poète est un révélateur

Un qui montre du doigt

Avec des mots fleuris

Ou des mots très forts

La vérité.

 

Lire le poète

C’est s’éveiller à la vie

S’ouvrir comme une fleur toute neuve

Sur un jour nouveau

Essentiel

Unique.

 

 

Carole Radureau (23/09/2019)

 

 

Les oiseaux de Neruda

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Publié le 6 Mars 2019

La pierre est ma confidente

« Tout est oublié avant d’avoir été dit.
Et le silence n’est pas un refuge. »
Yannis Ritsos


En suivant le chemin de la sarriette
Vient à moi la minéralité
Même si les paroles restent muettes
Aux pierres je parle
Elles savent écouter.

Le silex est un ami de toujours
Je lui confie le vent et sans détours
Il tisse le poème du chant lugubre
Il tisse le silence avec un fil barbelé.

Ma voix ne résonne plus au sommet des monts
Mon chant s’est brisé sur la barrière des hommes
A ne plus se cogner aux autres voix
La luette est devenue muette.

Ici mieux vaut ne pas parler
Trop
Il faut compter les consonnes
Conjuguer les voyelles
Utiliser les métaphores
Que seules les pierres comprennent
En déchiffrant le chant du goéland.

Le froid est un compagnon de chaque jour
Il faut se contenter du peu
Il faut comme la pierre
Etre figé, observer, s’adapter
Puiser dans sa force la nôtre
Identique
Il faut comme la pierre
Etre lettre morte
Mais peser plus que tout son poids
De présent.

Carole Radureau (06/03/2019)

12 novembre

L’après-midi, nous avons porté des pierres. Travail rapide
De main en main. Le soleil hivernal ;
Les barbelés ; les cruches ; le sifflet du gendarme.
Ici finit le jour. Au soir, la fraîcheur tombe.
Rentrons plus tôt. Mangeons notre pain.
Bon travail, camarades, travail facile
De main en main. Tout n’est pas si facile
Le reste ne va pas de main en main. Cela se voit,
Même si le visage ne change pas beaucoup. Cela se voit
A l’entaille entre les sourcils
A la bouche ouverte sans parler
Au silence avant le souper et même
Aux deux doigts qui remontent la mèche de la lampe.

Yannis Ritsos, Journal de déportation

Jours pierreux, paroles pierreuses.
(...)
Les choses sont comme elles sont.
Ce n'est rien.
Le rien n'est pas tendre.
Il est pierreux.

Yannis Ritsos /24/11/48) Journal de déportation



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Publié le 10 Décembre 2017

tempête d'oliviers

tempête d'oliviers
encre de lune balayée par les vents
une faute effacée : feuille de bigaradier
érudit mais pas trop : Bételgeuse en Supernova:
FROID.
lance-pierre : 333 moitié diable enrhumé
la fille de joie a pris la feuille des R
lanceur de dés qui ne sont pas pipés
lanceur d'arôme
vertu de laurier rose sauce patchouli
heureux simoun joyeux aérateur
vent de sable : rose du désert endormi
apprendre des étoiles mais en rêvant
s'instruire au sirop du gypse : miel de pensée
la chance ou le destin ?
l'étoile filante ou la Grande Ourse pénétrante ?
cahier de rosée ou plume de givre pour écrire
un mot manquant un mot de trop : gros mot ?

4.21 : un peuple éduqué en vaut deux

Carole Radureau (10/12/2017)

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Publié le 21 Octobre 2017

Frère Pablo je t’écris

Frère Pablo je t’écris.
Alors que, sans un cri, sans un bruit, tu as éteint la lumière rouge de ta vie
Alors que dans un souffle
Ta rime s’est tarie ton verbe a soufflé sur la dernière page du monde
La flamme continue de briller dans ton œuvre
Frère Pablo
Te lire et te relire te connaître et te découvrir
Apprendre et encore apprendre du message de tes mots
A l’infini
Toujours
Sans se lasser
Traquer la vérité comprendre le savoir reconnaître la connaissance
Ouvrage de longue haleine
Minute après minute
Heure après heure
Jour après jour
Année après année
Toute une vie s’il le faut pour assimiler l’œuvre unique
La rendre vive la démultiplier
Quand ton souffle te fus pris par l’assassin déguisé
Je n’étais que petite fille
Ton nom m’était inconnu
Et notre rencontre inconnue elle aussi
Je ne savais pas combien de points communs
Je ne savais pas que les mots sont des pétales de rose
Sur lesquels s’accrochent les rêves
Je ne savais pas que les textes sont des trains de nuage
Tirant derrière eux les luttes et leurs fruits
Pour te découvrir
Pour te connaître
Il faut toquer à ta porte pourtant grande ouverte
Sauter à pieds joints dans le cerceau ouvert
De ta dialectique
Et se donner pour grammaire un grand ciel découvert
Une radieuse cordillère
Une hanche étroite de patrie triturée
Et un grand océan d’amour porté par la vie
Frère Pablo je t’écris en me disant combien d’années de ce lutteur
Nous ont-ils retirés
Nous sommes orphelins de tes textes restés à couver dans ta matrice féconde
Nous sommes orphelins du lutteur du conteur méconnaissant la langue de bois
Nous sommes orphelins du grand homme de l’épicurien et du sage érudit
Chaque fois que je t’écris je le dis
Tu m’as tout appris le verbe la nature l’histoire la géographie le sens de la vie
Tu es plus qu’un frère, frère Pablo
Tu es un père
Et aussi une mère qui nourrit nos pensées et nos muses de son lait chaud de vin et d’embrun
Je puise chaque jour dans le puits sans fond de tes textes
La sève et le poing levé
Je puise chaque jour dans la rose mouillée de ta prose
La force de me lever et de crier et d’écrire et de vivre
Pour toi par toi
Pour eux pour nos graines à venir pour la mémoire de nos anciens
Pour nourrir encore nourrir la sève de nos combats.

Carole Radureau (21/10/2017)

Frère Pablo est le titre d’un des poèmes de Pablo dans le Chant général (Les fleurs de Punitaqui)

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Publié le 20 Octobre 2017

Vent du peuple

Je suis assis sur les morts
Qui se sont tus pendant deux mois.
J’embrasse des souliers vides
Et j’empoigne rageusement
La main du cœur
Et l’âme qui le maintient.
Que ma voix s’élève aux montagnes,
Descende à la terre et tonne :
C’est ce que demande ma gorge,
Maintenant et depuis toujours.
Approche-toi de ma clameur,
Peuple du même lait que moi,
Arbre qui, dans tes racines,
Me retiens prisonnier,
Car je suis ici pour t’aimer,
Je suis ici pour te défendre,
Avec mon sang, avec ma bouche,
Comme avec deux fusils fidèles.
Si je suis sorti de la terre,
Si je suis né d’un ventre humain,
Misérable, avec pauvreté,
Je n’existe que pour me faire
Rossignol de la misère,
Echo de ton mauvais sort,
Pour chanter et répéter
A tout venant qui m’écoute
Les peines des pauvres gens
Et tout ce qui touche à la terre.
Hier le peuple se leva
Nu et sans rien pour se vêtir,
Famélique, et sans rien à manger,
Le jour qui se lève aujourd’hui
Est de justice orageuse,
De justice ensanglantée.
Dans sa main les fusils
Se changent en lions,
Pour en finir avec les fauves
Qui l’ont été tant de fois.
Même si te manquent les armes,
Peuple aux cent mille pouvoirs,
Que tes os ne s’ébranlent pas,
Châtie celui qui te blesse,
Il te reste encore des poings,
Des ongles, de la salive -, il te reste
Des attributs mâles et des dents.
Brave comme le vent brave,
Léger comme l’air léger,
Assassine qui t’assassine,
Hais celui qui te hait
La paix de ton cœur
Est le ventre de tes femmes.
Qu’on ne te blesse pas dans le dos,
Vis face à l’ennemi et meurs
La poitrine ouverte aux balles,
Large comme une muraille.
Je chante avec ma voix en deuil,
Mon peuple, je chante tes héros,
Tes angoisses qui sont les miennes
Et tes malheurs composés
Du même métal que mes pleurs,
Tes peines de la même trempe
Et taillées dans le même bois,
Tes pensées, filles de mon front,
Ton cœur qui est avec sang,
Ta douleur avec mes lauriers.
Rempart au bord du néant,
Cette vie me ressemble.
Je suis ici pour vivre,
Tant que mon âme résonnera,
Et je suis ici pour mourir,
Quand mon heure arrivera,
Aux sources profondes du peuple,
Maintenant et depuis toujours.
Plusieurs gorgées font la vie,
Et une seule gorgée fait la mort.

Miguel Hernández traduction par Rolland-Simon pour le journal Commune juillet 1937

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Publié le 25 Novembre 2016

Par XalD — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4332512

Hommage à ce grand poète qui nous a accompagné avec tant de générosité.

Le phare Marcos Ana

Tu as dessiné pour nous
Les arbres
Tu as peint des fleurs
De la plume légère de tes mots
De beaux fruits
Généreux et tendres
Des feuilles d’or et puis de vigueur
Tu as ouvert ton cœur
Comme une cour
Les hommes tout à coup
N’étaient plus prisonniers
L’espérance était en toi comme un aigle
Dominant le monde et ses injustices
Dominant les plaines
Sauvant les démunis des serres des rapaces
Erigeant des barrières de volonté
Contre les terribles haines des hommes

Marchant
Tête haute
Menton relevé
Toujours en avant (hacia adelante)
Portant une parole jamais trahie
Vive était cette parole
Phare Marcos tu étais
Père de nos valeurs
Porteur de l’eau du changement
Toi
Chargé de tous tes ans
Tu allais troubadour alerte
Tu étais vivacité
Exemple pour l’humanité

J’aurais pu t’écrire cette lettre
Te l’envoyer il y a 3 jours
Tu l’aurais eue
J’aurais pu te dire comme tu accompagnas si généreusement
Mon chemin de vie
J’aurais pu t’écrire
Comme ta poésie guide mes pas
Comme tu fais partie du cercle de mes poètes jamais disparus
Comme tu es le gardien de nos terreurs passées
Phare Marcos
Je t’offre une pensée de copal
Consumée dans l’abalone de la certitude
Tu sais même étoile tes pensées et tes mots habilleront les luttes
Le monde a gardé en lui un rayon de l’orange pure
Qui avait pour nom Marcos Ana
Les poètes ont levé bien haut le poing des idéaux :

Salue mon Pablo
Salue Nazim
Salue Federico et Miguel
Rafael et Machado
Salue Victor Jara et Ferrat
Salue Sarramago et Gabriela
Salue Mahmoud et puis Maïakovski !

Quelle fête sur le nuage de la poésie !
Des pluies d’étoiles de pleurs de muses
Des rimes en fleurs
Des proses en série
Irrigueront le monde de vos pensées si belles
Des figues et des roses
Du jasmin et des opales
Du miel et des grenades
Dans la grande coupe de la poésie porteuse d’espoir.

Carole Radureau (25/11/2016)


El faro Marcos Ana

Dibujaste para nosotros
Los árboles
Pintaste flores
De la pluma ligera de tus palabras
Bellos frutos
Generosos y tiernos
Hojas de oro y luego de vigor
Abriste tu corazón
Así como un patio
Los hombres de pronto
No eran presos más
La esperanza estaba en ti como un águila
Dominando el mundo y sus injusticias
Dominando las llaneras
Salvando los despojados de las garras de los rapaces
Erigiendo barreras de voluntad
Contra los odios terribles a los hombres.

Andando
Cabeza alta
Barbilla levantada
Siempre hacia adelante
Llevando una palabra nunca traicionado
Viva era esta palabra
Faro Marcos eras
Padre de nuestros valores
Portador del agua del cambio

Cargado de todos tus años
Ibas trovador alerto
Eras vivacidad
Ejemplo para la humanidad.

Habría podido escribirte esta carta
Enviártelo hace 3 días
Lo habrías tenido
Habría podido decirte como acompañaste tan generosamente
Mi camino de vida
Habría podido escribirte
Así como tu poesía guía mis pasos
Así como formas parte del círculo de mis poetas nunca desaparecidos
Así como eres el guardián de nuestros terrores pasados
Faro Marcos
Te ofrezco un pensamiento de copalo
Consumida en el abalone de la certeza
Sabes la misma estrella tus pensamientos y tus palabras vestirán las luchas
El mundo guardó en él un rayo de la naranja pura
Que tenía como nombre Marcos Ana
Los poetas levantaron muy alto el puño de los ideales:

Saluda a mi Pablo
Saluda a Nazim
Saluda a Federico y a Miguel
Rafael y Machado
Saluda a Victor Jara y a Ferrat
Saluda a Sarramago y a Gabriela
¡Saluda Mahmoud y luego Maïakovski!

¡Qué fiesta sobre la nube de la poesía!
Lluvias de estrellas de lágrimas de musas
Rimas en flores
Prosas en serie
Irrigará el mundo de sus pensamientos tan bellos
Higos y rosas
Del jazmín y ópalos
Miel y granadas
En el gran corte de la poesía portadora de esperanza.

Carole Radureau (25/11/2016

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Rédigé par caro et hobo

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Publié le 23 Avril 2016

Nouveautés à découvrir de Pablo Neruda

Deux livres à conseiller à ceux qui aiment lire Neruda.

Le premier que j’ai trouvé aux éditions Le temps des cerises est une version française de Chanson de geste, Canción de gesta, un grand poème qui était encore inédit en français.

Pablo l’a écrit alors qu’il était à bord du paquebot Louis Lumière au printemps 1960 et l’a conçu comme une épopée : c’est celle du combat de l’Amérique latine pour la liberté, dans les caraïbes plus particulièrement.

Ce poème salue la révolution cubaine qui vient d’avoir lieu en 1959, les luttes démocratiques au Nicaragua, il proteste contre le sort de Puerto Rico, Puerto pobre (port misère) comme il le nomme.

Cette version bilingue est fort utile pour qui commence à déchiffrer la langue espagnole mais c’est aussi une ouverture. En effet, je comprends déjà les nuances que ne permettent pas la traduction et je prends beaucoup de plaisir à lire, lire et relire ce livre en espagnol ainsi que celui qui suit.

En effet, pour moi comprendre la langue de Pablo et des autres poètes hispaniques, comprendre également la langue qui a été imposée aux peuples d’Abya Yala, c’était une nécessité que je me devais d’accomplir . J’avais tellement envie de me mettre à leur niveau, de les traduire, de les accueillir sur le seuil de ma vie en leur tendant les bras à ma façon.

Ce livre qui célèbre Cuba et tout ce qui a pu profiter d’avancées progressistes en suivant l’exemple de la révolution cubaine en Amérique latine est important en tant que devoir de mémoire en ces heures troubles où les pays progressistes tombent les uns après les autres sous les coups de butoir pilotés par les yankees. Depuis la mort de Chavez, une brèche s’est creusée, évidente et elle a profité aux semeurs de troubles appuyés par des médias internationaux à leurs ordres.

Même si tout n’est pas parfait ni conforme à nos attentes, les pays qui s’étaient dotés de présidents de « gauche » pour en finir avec les dictatures, la pauvreté et toutes les misères dues à la colonisation ont malgré tout apporté autre chose que ce dont des gouvernements de droite peuvent produire pour les peuples. Certes, je ne me sens pas vraiment proche de ses gouvernants en dehors d’un ou deux car ma connaissance des peuples indigènes et de leurs soucis dans les pays concernés ne me font pas voir de réelles avancées pour eux et c’est ainsi en même temps qu’en tant que défenseure de l’environnement que je me permets de les juger.

Pour autant le retour à de la droite corrompue et aux ordres des USA ne peut apporter que plus de misère, il n’est que de regarder l’exemple du Mexique ,du Guatemala et de la Colombie.

Nouveautés à découvrir de Pablo Neruda

Le deuxième livre s’appelle Tes pieds je les touche dans l’ombre, poèmes retrouvés.

Ce titre reprend le début d’un des poèmes qui ont été retrouvés au cours d’un travail d’archive et qui avaient échappés certainement à la relecture de Matilde. La fondation Pablo Neruda les a regroupés en un volume qui comprend également des facs similés de la main de Pablo.

Ces textes ont été écrits entre 1956 et 1973, la plupart étaient sans doute destinés aux odes élémentaires.

La traduction est bien différente de celle dont nous sommes habitués, celle de Claude Couffon ce grand traducteur de la langue, grand connaisseur des poètes. Il nous a quitté en 2003 et l'on mesure encore à peine la place vacante qu'il laisse.

Ces hommes-là, fidèles transcripteurs de poésie, inlassables traceurs de mots et de la vérité (celle du poète) sont des dons de la vie et on les oublie un peu trop souvent.

Sans eux, je n'ose imaginer ce que nous aurions perdu : avec Couffon, c'est une partie de l'oeuvre de Neruda, mais il a traduit également Nicolas Guillen, un autre grand poète de la même époque, Rafael Alberti un grand ami de Pablo, Miguel Angel Asturias, Gabriel Garcia Marquez, l'écrivain, Luis Mizón, un poète chilien à découvrir et d'autres encore.

Je profite de cet article pour lui rendre hommage alors que ces deux ouvrages présentés ci-dessus, il ne les a pas découvert.

Je vous laisse donc découvrir les extraits de ces livres.

UNE MINUTE CHANTEE POUR LA SIERRA MAESTRA

Si on demande le silence en disant au revoir
aux nôtres lorsqu’ils retournent à la terre,
je vais demander une minute sonore,
pour une fois toute la voix de l’Amérique ;
je ne demande qu’une minute de chant profond
en l’honneur de la Sierra Maestra.
Oublions les hommes pour l’instant :
parmi tant de terres, honorons celle qui a gardé
dans sa montagne mystérieuse
l’étincelle qui brûlerait dans la prairie.
Je célèbre les ramures brutales,
le dur dortoir des pierres,
la nuit aux rumeurs indécises
avec la palpitation des étoiles,
le silence dénudé des monts,
l’énigme d’un peuple sans drapeaux :
jusqu’à ce que tout commença à battre
et tout s’alluma tel un bûcher.
Invincibles les barbus sont descendus
pour établir la paix sur terre
et à présent tout est clair, mais alors
tout était sombre dans la Sierra Maestra :
pour cela je demande cette minute unanime
pour chanter cette Chanson de geste
et je commence avec ces mots
pour qu’ils soient répétés en Amérique :
Ouvrez-les yeux, peuples offensés,
la Sierra Maestra est partout.

Pablo Neruda, Chanson de geste

Nouveautés à découvrir de Pablo Neruda

(…)La loi de la pluie a été de changer la substance
des pleurs, de tomber et faire monter, d’éduquer l’amer silence
avec des lances que le vent et que le temps transforment en
feuilles et parfums
et l’on sait bien que le jour enthousiaste courant sur son char de blé
est le mouvement fleuri d’un sicle d’ombre sur le monde
et je me demande si tu ne travailles pas en tissant l’étain secret
du blanc navire qui traverse la nuit obscure
ou si de ton sang minuscule ne naît pas la couleur de la pêche
si ce ne sont pas tes mains profondes qui font couler les fleuves
si tes yeux ouverts au milieu du ciel en été
font du soleil à la terre tomber sa jaune épée
alors traversant l’incitation de ta cime son éclair parcourt
sables, corolles, volcans, jasmins, déserts, racines
et porte ton essence aux œufs de la forêt, à la rose furieuse
des hannetons, guêpes, lions, serpents, faucons
et ils mordent et piquent et clouent et brisent tes yeux qui pleurent
car ce fut ta semence sur la terre, ton ovaire impétueux
qui répandit sur la terre la langue du soleil en furie (…)

Pablo Neruda (poème n° 4 du recueil Tes pieds je les touche dans l’ombre)

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Rédigé par caro et hobo

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Publié le 9 Avril 2016

….et bien malin qui peut dire de quelle couleur, de quelle nuance ou de quel ton est sa pensée au moment même où le mot jaillit comme un éclair, comme un miracle sur la feuille, sous ses yeux.

Le poète écrit et rien ne veut dire ce que  le texte ne veut pas dire.

Il dit cela que la muse lui souffle à l’oreille.

Il n’est sans doute pas conscient quand celle-ci récite les mots et que lui, les retranscrit.

Pourtant, le poète écrit et parfois il dit ce qu’il pense.

Pourtant, le poète écrit et souvent il dit ce qu’il a sur le cœur.

Mais, tout philosophe que soit le philosophe, tout analyste que soit l’analyste, tout journaliste que soit le journaliste, il ne sait pas ce que veut dire vraiment le poète et ce qui a lui-même a échappé, qui peut dire qu’il l’a attrapé ?

Les mots ont un sens mais dans la poésie, ils en ont mille.

Le mot a un contour et des formes, un paysage multiple, sans cesse renouvelé par la poésie.

Le mot est un magicien qui se transforme au gré des pages, au gré des textes, au gré des modelages que l’esprit lui inspire.

La poésie a de la force.

C’est sans doute elle qui peut faire peur, qui peut provoquer la colère, la haine, la jalousie ou le mépris.

La poésie a de l’énergie.

C’est sans doute elle qui imprime un souffle qui fait aimer, détester ou ignorer un texte.

Le poète est un scribe au service des mots.

Mais les mots ne sont jamais communs, ils ont un plus que seule la poésie peut leur donner.

Un mot, une muse, une énergie, une main pour écrire.

Il n’y a pas de procès, il n’y a pas de mauvaises intentions.

On lit, on aime, on garde dans sa mémoire des fragments comme autant de fleurs qui embaument ou de sucre qui répand sa chaleur.

On lit, on déteste et on tourne la page. On l’oublie.

On lit, on ne peut pas finir car cela fauche la lecture comme un croche-pied.

Tant pis, ce sera pour une autre fois.

Mais il convient d’essayer à nouveau.

La poésie est difficile à lire. Il faut toquer à sa porte avant d’entrer.

Lui demander si elle veut bien de nous, de notre analyse, de notre sentiment, de notre attention, de notre tendresse.

Et quand elle ouvre la porte, on peut entrer dans l’univers de la magie comme un clown entre sur la piste en se prenant parfois les pieds dans le tapis mais il entre, triste ou gai, il mime son message, il envoie une onde et chacun la reçoit comme il a envie de la recevoir. La synthétise, l’assimile, la rejette ou la renie.

Mais, en tout ceci, et en toute éternité, le poète a toujours raison.

Surtout quand il a pour nom, Mahmoud Darwich.

Carole Radureau (09/04/2016)

5.
Vous qui passez parmi les paroles passagères
Il est temps que vous partiez
Et que vous vous fixiez où bon vous semble
Mais ne vous fixez pas parmi nous
Il est temps que vous partiez
Que vous mouriez où bon vous semble
Mais ne mourrez pas parmi nous
Nous avons à faire dans notre terre
Ici, nous avons le passé
La voix inaugurale de la vie
Et nous y avons le présent, le présent et l’avenir
Nous y avons l’ici-bas et l’au-delà
Alors, sortez de notre terre
De notre terre ferme, de notre mer
De notre blé, de notre sel, de notre blessure
De toute chose, sortez
Des souvenirs de la mémoire
ô vous qui passez parmi les paroles passagères

Mahmoud Darwich, Passants parmi les paroles passagères

Le poète a toujours raison….

Questions d’un journaliste israélien à Mahmoud Darwich (extraits de l’affaire du poème)

  • Avez-vous dit : « Sortez de notre blessure « ?
  • Je l’ai dit.
  • Pourquoi ?
  • Parce que ma blessure m’appartient. C’est une partie de mon identité. Y avez-vous droit ?
  • Non, mais nous avez-vous dit : « Sortez de notre blé » ?
  • Oui, je l’ai dit. Car mon blé est mon pain propre. Y avez-vous droit ?
  • Non, mais nous avez-vous dit : » Sortez de notre mer « ?
  • Oui, je l’ai dit. Et même « Sortez de l’air et de la terre occupée ».
  • Mais il n’y a pas de mer en terre occupée.
  • Ne connaissez-vous pas la carte de la terre que vous occupez ? Gaza est sur la mer.
  • Voulez-vous dire par là qu’il s’agit de la mer de Gaza ?
  • Cette mer s’appelle la Méditerranée, pas la mer de Gaza.
  • Voulez-vous dire que nous devrions nous noyer dans la mer ?
  • Je vous ai dit : « sortez de la mer ; je ne vous ai pas dit : « allez à la mer ».
  • Que voulez-vous dire par ces propos : « Vous qui passez dans la mer de mes paroles » ?
  • Je n’ai pas dit cela. J’ai dit : « Vous qui passez parmi les paroles ». il y a une petite différence entre le mot « mer », bahr, et le mot « parmi », bayn.
  • Maariv et d’autres organes d’information israéliens affirment que vous avez dit « mer des paroles ».
  • Je connais mieux mon poème que ne le connaissent les organes d’information. Et même si j’avais dit « mer des paroles, où serait le problème ?
  • Ce serait une invitation à nous jeter à la mer.
  • Vous me donnez envie de rire.
  • Avez-vous dit : « Nous avons ce qui n’est pas en vous, une patrie et un avenir « ?
  • Oui, je l’ai dit. En quoi cela vous choque-t-il ?
  • N’avons-nous pas une patrie et un avenir ?
  • Vous n’avez pas de patrie ni d’avenir dans l’occupation.
  • Dites-moi quel est votre pays ?
  • Mon pays, c’est mon pays, la Palestine.
  • Toute la Palestine ?
  • Oui. Toute la Palestine est mon pays. Quelqu’un vous a-t-il trompé en prétendant que la Palestine n’était pas mon pays ?
  • Non, mais c’est mon pays.
  • Vous, vous estimez que votre pays s’étend du Nil à l’Euphrate, alors que moi je pense que seule la Palestine est mon pays.
  • Et nous, quelles sont nos frontières ?
  • C’est à vous de dire quelles sont vos frontières, à l’intérieur de notre pays. Car les bottes du soldat occupant ne peuvent pas tenir lieu de frontières, comme le pensait le général Dayan. Nous, nous ne demandons pas quelle est notre patrie, parce que nous la connaissons très bien. Nous, nous demandons simplement sur quelle patrie de la terre de notre patrie sera fondé notre Etat. Nous, nous ne vous avons rien pris. Ce que nous prenons est à nous. Si vous vous retirez de chez nous pour retourner dans ce qui est à nous, cela ne veut pas dire pour autant que vous prenons quelque chose. Vous comprenez ?
  • Non, je ne comprends pas.

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Publié le 3 Avril 2016

Questions de cailloux

Où dorment les oiseaux ?
Dans la gouttière d’étain des réveils-matins ?

Combien de cailloux dans ma poche
Pour ne jamais me perdre ?

Qui ramasse les coquilles d’œufs
Quand les poussins ont dissous leur naissance ?

De quelle couleur est le caillou de la pervenche
Quand dans l’or de sa naissance elle a poussé son cri ?

Si les lendemains chantent
Combien de partition me reste-t-il à écrire cette nuit ?

Quand le rosier rosit et que ses feuilles rougissent
A qui pense-t-il pour de vrai ?

Si le granite est confus
Est-ce que c’est l’ardoise qui le trouble ?

Si je suis moi et que tu es toi,
A quelle heure passe le méridien de notre rencontre ?

Quel âge a la fougère qui n’a pas encore osé
Dérouler sa crosse de peur de la froisser ?

Si je parle en mapudungun aux pierres de mon chemin
Comprendront-elles la nuance ?

De quelle couleur est la pierre du cœur
Quand elle a rencontré sur sa route des veines grandes ouvertes ?

Si je suis moi et que je ne te connais pas
Dans quel marc de maté liras-tu mon nom ?

Comment savoir si le rouge-gorge est fille
Quand elle s’appelle aussi rouge-gorge ?

Si je me pose des questions
Pourquoi ne pas s’en poser ?

L’hirondelle a-t-elle un petit oreiller de glaise
Dans son nid douillet ?

Si j’écris avec un caillou dans la main
Ferais-je des fautes minérales ?

De l’horizon et du passé
Combien de fautes d’orthographe ?

Pourquoi les questions ne commencent-elles jamais
Par quand ?

La cloche du pehuen connaît-elle l’heure exacte
De la fusion entre le genêt et l’obsidienne ?

Si le merle a un bec jaune
Est-ce parce qu’il picore des citrons ?

Et si le merle avait le bec bleu
Aurait-il un avenir de turquoise ?

Si j’ai laissé ma valise sur le quai
Le train s’habillera-t-il de mes robes gitanes ?

Et dans mes vers, les rails connaissent-ils
La rime imparfaite du cœur et de la raison ?

Si je suis moi et que tu es toi
Pourquoi suis-je seule ?

Carole Radureau (22/03/2016)

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Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Aragonite

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Publié le 20 Janvier 2016

Entre la haine et l’amour

Il y a mes larmes quotidiennes

Mon désespoir et mes courbatures

Les bâillements du soleil n’ont plus leur place

Je suis l’enfant qui toise l’invraisemblance

Le rocher qui montre son cul aux marées cupides

Je ne suis pas un phare

Pourtant je pleure mes vieux rafiots

Qui fracassent leur beau temps

Brisant leur boussole

Sur cette anamorphose

Et si tu partais vingt longues années

Je serai ton Argos

Toi qui est mon Ithaque

Qui ne le savais pas

 

Hobo-Lullaby

 

 

 

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