Sur la glace à peine ébauchée
En un courant de verglas
Où le lichen peine à s’assurer
Vibre en toi la puissance du temps.
Dans un origami de couleurs fuyantes
Le lointain se pare d’une palette en fuite
Où le vert est un lait puissant d’été
Où le rose s’évade par la porte du bonheur
Où l’oranger est un fruit mû par le désir de plaire.
Là où tu vis la nuit n’en finit plus
Le ciel est une télévision à ciel ouvert
Le froid est un maître qui ne souffre aucune
Contradiction
La vie s’étend comme un linge
Sur un fil trop tendu
Le renne a soif d’inconnu
Il a coiffé sa parure
Et toi Fleur-de-Lichen tu chantes
Innocemment.
Tu chantes l’arrivée du bonhomme tiré
Par tes frères
Avec son lot de présents
La carotte qui attend le renne au pied du sapin
Et les sourires d’enfants.
Ah ! Les sourires d’enfants
N’est-il pas plus beau cadeau fait à l’homme
Par le chant de l’aurore boréale :
C’est un cygne qui se lève et sort de son bain
Avec une fleur d’oranger au bec.
Sous la tente les Samis ont chaud
Le froid ils l’ont apprivoisé il y a des milliers d’années
Ils surfent sur lui, ils glissent sur lui
Ils en ont fait une force inégalée
Leur créativité en a pris trois grains d’astuce
Et dans le joik résonnent des perles glacées.
Quand la voix porte le chant aux oreilles du monde
Mari Boine est la fleur du micro profond
Le petit renne aussi sourit car le chant est pour lui
C’est de lui qu’il parle
Sa promesse de fibres est un roman d’espoir
Où la perle de vie court sur le pelage.
Je boirais l’eau glacée dans ton sabot offert
Je tresserais mes cheveux avec ton sang de lichen
Je réciterais mes poèmes à la flamme du feu de camp
L’aurore qui essore les pleurs du monde
Pour moi
N’aura plus de secret.
Je te conterais petit renne la magie des mots
Ce qu’en eux il faut happer comme une règle de vérité
Je te narrerais comment la muse accomplie a bu le thé
De l’harmonie en comptant une à une les étoiles d’opale claire
Je te ferais ressentir en toi le fluide chaud et véritable qui relie
L’être que tu es au grand tout
Je te ferais entrer en transe quand je réciterais la parole du chaman
Qui a unifié le monde en un collier de perles vivantes
Mots qui s’enfilent, paroles qui se gravent, pensées uniques du moment présent.
La force est dans la faiblesse de l’aube
Qui a conscience d’en faire une source chaude
Et sûre
L’amour est dans la corolle transparente du perce-neige
Quand la petite fée y a décalqué sa main de cristal
La tendresse est dans cette tasse qui réchauffe tes mains
Avant de réchauffer tes lèvres
Avant de réchauffer ton corps
Avant de réchauffer ton cœur par la bonté de la satiété.
Comme il est bon de sentir la chaleur
Quand le froid a dicté sa dictature de l’hiver
Quand il semble impénétrable quand il semble éternel.
Le soir de noël les marrons éclatent de joie dans l’âtre
Les chaussettes sont remplies d’étincelles
Le petit renne a fait sa première livraison
Le chocolat est fumant et la carotte tiède
Couchée dans son lit de paille
Comme un petit jésus pour le renne
Le petit travailleur de la nuit dédiée
Au sourire des enfants.
Carole Radureau (05/12/2019)