Nos maîtres de Roger Colombier
Publié le 17 Juillet 2013
Au-dessus
Il y a nos maîtres
Assis sur notre faix
Jamais à côté pour mieux l’alourdir
A leur gré.
Parfois
Si peu
Ils jettent une flammèche vers nos sébiles
Pour nous faire saliver
Avant que l’on s’entredéchire
Pour une étincelle éphémère.
Les maîtres
Vont autrement.
Pour eux
Le soleil est toujours très long
Bordé de sources claires et d’oranges sucrées toute l’année.
D’ailleurs
L’azur est si intense
Que chaque jour est dimanche
Et la nuit pulpée d’oiseaux dans les étoiles.
Les maîtres
Ont
Pour eux
Des bergers
Choisis dans les gens du dessous
Qui
De leurs crosses
Ramènent l’égaré
Vers la poussière des décombres et son feu mort.
Parce que c’est écrit ainsi depuis le premier matin :
Les gens d’en-dessous doivent courber l’échine
Et souffrir sans grandir ni dire un mot.
Chut
Ne parlez pas
De la bonne idée.
Pourtant
Enfin
Un
Deux
Puis trois
Et sûrement plus
Chacun se croyant seul
Ont écarté leurs ailes
Pour franchir le verrou de leur solitude
Et se sont rejoints.
Enfants-oiseaux
Souhaitant une apparence à l’homme
Ils ont volé
Dans leurs têtes
Vers le levant
Qui fait le blé du monde.
Les bergers n’ont pas bronché à cette fuite infidèle.
Elle périra certainement
Sur le bûcher même de sa folie.
A moins de s’en retourner
Au premier vent contraire
Famélique et sans orbite
Pour
Se reconvertir
Dans la multitude informe
Entre leurs gardiens de toujours.
Mais
Ils sont restés liés
Sans casser leur élan vers le rêve ardent
Dans leurs têtes.
Ils vont à cœur d’ailes
Pour dépasser l’abscisse de l’horizon éteint
Avec l’étrave de la bonne idée
Comme un vol anguleux
Revient vers son nid
Pour renaître.
Un songe ils tressent dans le lait du paysage
Comme une fleur nouvelle au seuil de l’avenir
La bonne idée n’a pas encore de visage
Mais en chacun elle fermente en devenir.
Demain elle sera au pic de la mâture
Et des frères divisés ne le seront plus
Débarrassés de l’absurde de leurs clôtures
Les hommes vogueront menés par le bon flux.
Avec la bonne idée s’abjureront les haines
Les potences assoiffées d’aubes sans filament
Le joug ramassé hachant les os sous la peine
Et toutes ces choses rendant le ciel dément.
L’heure est donc venue
Façonnée de chairs de sang
Et de la bonne idée.
Ils vont revenir chez eux
Chargés de semences
Et faire flotter la pierre
Sous le fil de l’eau.
Merci beaucoup Roger
"Pourquoi le ciel si matin
s'est-il vêtu de ses brouillards ?" (Pablo Neruda)