25. Le petit-déjeuner de soleil (Conte poétique)
Publié le 25 Décembre 2021
(...) Nous, nous appelons le soleil le Jardinier. En se promenant dans le ciel, il mûrit les fruits à point et fait éclore les fleurs. Lorsqu’il se montre après la pluie, les fleurs vivaces l’admirent. Et qui d’autre que lui fait jaillir le feuillage des arbres ? Sans le soleil, pas de doux fruits. »Tenez ! Prenez celui-ci, il a été du côté exposé au soleil ! ». C’est la façon de parler des maraîchères, et c’est vrai que celui-là est le plus savoureux (...) Margit Gari, Le vinaigre et le fiel
Un korrigan, une abeille et la luciole véritable
Dans le sous-bois
S’affairaient :
C’était le jour de la nativité
D’un humain mais qu’importe
Ici la coutume était forte
Ici tous les ans
On festoyait
Il fallait vite trouver de quoi fêter
Avant tout il fallait déposer
Rituellement
Son offrande au petit-déjeuner
De soleil.
C’est vrai ce n’était pas l’époque où dame-soleil
Brille avec ardeur.
C’était une métaphore
Un clin d’œil joyeux pour la prospérité
La gaieté et le fluide à venir.
La nappe devait être de mousse tressée
Qu’en son lit se lovent bien calés
Les tasses et les bols
Il fallait dénicher des petites cuillères de racines
Fraîches et goûteuses avec encore en leur âme
Le sang de la résine
Il ne devait pas manquer de lait de licorne dans le pot en pierre de grès
Très rustiquement modelé
Ni le café de gland, ce célèbre succédané, fils des bois
Vainqueur de la misère d’autrefois
La tartine était de fougère
Le beurre de cette glaise toute fraîchement tirée de son puits
Le miel était un don de dame-abeille
Qui avait choisi cette année de butiner essentiellement
Le nectar de chêne
Des baies séchées avaient décidé de se détremper pour l’occasion
Comme pour un pemmican voyageant dans les sacoches de cuir
Ici on trouvait des myrtilles, des amélanches, des fraises des bois
Des mûres, des baies de sureau, des cynorrhodons
Toute la récolte de l’été de dame-luciole.
Pas de confection.
Ni de cuisine.
Juste une table, belle table d’offrande
Pour régaler les cieux.
Les dieux, oui,
Encore fallait-il y croire !
Tout comme ceux qui festoient à noël en vérité croient-ils réellement
En leur dieu, en leur christ
Se demandait le korrigan farceur ?
Cela n’empêchait pas la légende de continuer
Comme toute légende
Par un vent certain,
Propulsée jusqu’aux oreilles de dame-soleil
De père-lune.
Les espiègles devaient danser tout autour de la table
Dressée
Comme dans un restaurant chic
Tout plein de chiqué, oui comme dirait mon grand-père !
Il manquait les bougies.
Le bois n’en fournit pas
C’est le pays de la nuit
La sombritude profonde
Et seule la lumière de dame-soleil
Peine à traverser les noirceurs
Pourtant nul feu ne devait briller
Car le bois dans ce lieu, était sacré
Personne n’aurait eu l’idée de le finir en braises
Encore moins en cendres !
Ici c’était véritablement la fête du soleil
La victoire sur la nuit
La défaite des pénombres.
On ne devait pas résister à la joie
Montant comme une bouffée de chaleur au visage
Emergeant comme une idée exceptionnelle
A laquelle on ne songeait plus
On ne devait pas se tendre et se raidir
Il était venu le fameux moment du lâcher-prise
Comme une libération
Comme une adéquation
Comme une communion
Entre les esprits de la forêt
Et la quête de soi-même
Avec en prime la chaleur du petit-déjeuner de soleil
Tout de pureté
Tout de vérité
Tout de légende
Tout de tendresse et d’amour.
Carole Radureau (20/12/2021)
Le titre est inspiré par la magnifique chanson de Serge Reggiani Le déjeuner de soleil