24. Trois petits poèmes sur le sapin de noël

Publié le 24 Décembre 2021

Abies nordmanniana subsp. bornmuelleriana au nord-est de la Turquie Par Paul — IMG_0551.JPG, CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=8830313

Abies nordmanniana subsp. bornmuelleriana au nord-est de la Turquie Par Paul — IMG_0551.JPG, CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=8830313

…….le langage des arbres….

 

Le sapin non désiré

 

Je n’étais pas désiré, non.

Je n’étais pas souhaité

On m’avait offert

Car les habitudes ont la peau dure

Mais dans cette maison-

Sous ce porche-

Je ne pourrais entrer :

Sens interdit !

 

Cela ne m’était pas douloureux.

Je préférais, oui,

Je préférais le grand air

Si seulement, si seulement

Mon pied n’était pas coupé

Ici ils ne voulaient plus de ce gâchis

Ils préféraient l’arbre sur son pied

Avec sa petite offrande

Dehors comme est la place de l’arbre.

 

C’était une question d’odeur.

Non pas que je puais, non

Je sens bon comme sens cette odeur de noël

Fidèle de chez les fidèles

Celle que l’on garde au cœur

Couplée avec l’odeur de la mandarine

Et l’odeur de la bougie qui veille et surveille

Mais ici ce n’était plus comme avant

Les odeurs étaient prescrites

Du moins on essayait de les contenir

Pourquoi ?

Pour ne pas gâcher la fête qui était certes bien compromise

Car pour faire la fête de famille

Tout le monde doit être autour de la table

Là ce n’était plus permis.

 

Je me réconforte.

Je me dis que je ne suis pas seul

Dans ma solitude

Quelqu’un dans cette maison est aussi seul que moi

Seul au milieu des siens

Avec dans sa pensée un regard tendre pour le sapin

Délaissé.

 

J’étais un géant, avant

 

J’étais un géant,

Avant.

J’étais le chef des bois

Un grand cacique, un érudit, un sage parmi les sages

Que chacun respectait

J’avais la sagesse de sève

La connaissance des Pléiades

Une certaine sympathie très précieuse

De la Grande Licorne douce-heureuse

Mais cela ne suffisait pas

Il avait fallu que quelqu’un invente la nativité

Qu’un d’autre décide qu’un arbre devait y être sacrifié

S’en était fini de nous, épicéas, sapins de Nordmann

Majestueux tels des cerfs aux trophées andouillers

Ils nous abattaient

Ils replantaient des jeunes

Oh ! Ce n’était pas comme pour la déforestation

Où l’on abat sans replanter

Là, c’était du business

Ils n’allaient pas abattre et se retrouver sans rien à vendre l’année suivante

Ils n’étaient pas si fous

Quoique parfois je me demande.

 

Au début, il y a de cela très longtemps

Les gens aimaient avoir un sapin avec ses racines

C’était un petit rituel

Après les agapes

On partait en famille dans le jardin

Replanter son sapin

Il grandissait

On s’en souvenait

Il marquait le temps

Les années qui passent

Seulement les jardins n’étaient pas des forêts

Parfois un seul était sauvé

Parfois deux

Jamais plus.

 

Ensuite ils ont inventé le sapin floqué

Tout blanc, comme enneigé avec des flocons de colle et de papier

Une vraie tuerie intoxiquée

Puis il y a eu le faux sapin

Celui que l’on replie après usage comme un parapluie

Certes, avec les jolies décorations

Ce sapin fait très régulier

Finis les trous dans le dos qu’il faut cacher

Là où la tronçonneuse

Nous avait écorchés

Ebranchés devrais-je dire.

 

Alors s’en était fini de moi

J’écrivais ces derniers mots

Comme un testament à vous, livré

Avec ces dernières pensées très très sages

D’un grand chef, d’un cacique, roi de Nordmaniana

Qui avait connu l’aigle royal, le pygargue à queue blanche

La chouette lapone

Et un petit épervier annonciateur

Qui un matin m’avait confié :

« J’entends là-bas, à l’œuvre, les couteaux- scies des hommes

Gaffe à toi !

Dommage tu ne peux pas voler » :

Oui

Dommage !

 

Décima du Nordmanniana

 

Je ne me prends pas pour un roi

Même si du Caucase au salon

Je peux atteindre le plafond

L’étoile à ma cime a froid.

Ils glissent à mon pied de la joie

Il y en a de la gaieté !

Quand le tout petit, hébété

Pour la première fois la découvre.

La montagne sous ses yeux s’ouvre :

Adieu mon Caucase, liberté !

 

C’était juste un défi-décima auquel a bien voulu se prêter le sapin de Nordmann.

 

Carole Radureau (13 et 14 décembre 2021)

 

 

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H
Les arbres et les sapins en particulier ne sont pas des animaux de cirque <br /> quand j'ai lu l'appel de la forêt, j'ai pleuré quand on déguisait Buck<br /> En grandissant j'ai compris que de nos sens, seuls l'ouîe et la vue fonctionnent de façon réciproque<br /> les trois autres ne fonctionnent plus qu'à sens unique <br /> notre mémoire est incapable de nous restituer l'odeur d'un sapin sans que nous en ayons un sous le nez !<br /> La poésie avec tes mots redonne vie à l'indicible
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C
L'homme s'est coupé de son état premier, tu as bien raison, et quand sont défaillants les sens que tu dis et qu'en plus tu es handicapé des autres, il faut nécessairement se concentrer sur ce qui compte, qui raccroche encore à la vie sauvage, je ne sais pas si la muse est un sens, j'aimerais bien que cela soit pensé ainsi quelque part. Je vois bien avec ce qu'il m'arrive comme il est difficile de changer les habitudes, de faire le rabat-joie sur toute cette technologie galopante qui a envahi les vies au détriment des relations réelles mais hélas, il y a des pathologies qui se servent de nous comme lanceurs d'alerte, seulement, c'est si lourd le monde à bouger pour que l'arbre et l'homme, le loup et la brebis, l'éléphant et le pinson, la rivière et le mont soient respectés au même niveau, comme un grand tout fragile et précieux et que surtout l'homme ne soit plus celui qui s'est hissé en haut de la pyramide des 3 niveaux (3 mondes).
A
Naturellement le premier me touche plus que les suivants puisqu'il te concerne.<br /> Une idée qui vaut ce qu'elle vaut : pourquoi ne pas le mettre dans le jardin à proximité de la fenêtre pour que tout le monde le voie ?
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C
Oui, mon mari n'y a peut-être pas pensé mais comme il voulait mettre ses loupiotes, il lui fallait un branchement. Tu sais, moi, cela ne me fait pas de peine de ne pas avoir de sapin, même, on pourrait décorer un arbre du jardin avec quelques guirlandes. C'est vrai que pour mettre les chaussons au pied du sapin, ça fait défaut mais on se débrouille. Je paie déjà lourdement le fait de sentir des odeurs de cuisine peu habituelles et là, on peut dire que ce genre de fête, quelqu'un qui a mon mal , la paie de son corps. Là, telle que je t'écris je suis immobilisée pour la soirée dans ma chambre, grosse crise d'odeurs, migraine, nausée, mal à l'estomac à cause de l'odeur de la soupe de poissons. C'est comme ça. Ils vont se débrouiller sans moi. J'ai fait ce que je pouvais. Bonne soirée Alma, je pense bien à toi.