La fumée sur le toit

Publié le 29 Novembre 2021

…..fragments de Vivarais…..

 

La fumée sur le toit

Tu vois il ne fait pas froid

Au loin

Bien alignés

En quinconce

Ou deux par deux

Se donnant la main avant d’entrer

Dans la classe de la forêt

Les pins

Verts

Infiniment verts

Qui gardent cette couleur

Comme pour snober l’hiver.

 

Les tuiles sont jalouses.

Elles aimeraient bien un peu de vert aussi

Mais si, c’est permis, on y pense !

La mousse est là pour ça !

 

Ah ! Le hussard sur le toit !

Avec ses beaux yeux de velours d’amande

Et sa dégaine chevaleresque

Certes il avait fort à fuir

Partageant sa gouttière avec les chats

Mais que la vue est belle

Du toit :

Les sapins, les gens, la peste, les macchabées branlants

Dans la charrette à mort

Avec ce petit air de pandémie

Qui sort par toutes les embouchures.

 

Ce n’était pas le même folklore alors

Mais c’était un folklore de pandémie

Ça tombait raide dans la rue

Comme ça sans prévenir

Deux convulsions et du riz au lait collé dans la barbiche

Ah ! C’était du classique !

Maintenant on garde tout ça chez soit

On s’isole, on tousse dans son coude on se morve dans son masque

On compte les morts sur les doigts des journaleux

On ne comprend rien si ce n’est que sur le toit

Il y a un abri.

 

Ah ! vite, sortez l’échelle !

Je veux de ce pas la tester

Voir si j’ai encore le pied marin

Si la gouttière tient bon

Si le paysage est à la hauteur

Avec sa petite chaleur, le toit peut nous réchauffer

Au passage nous attraperons les virus avec le filet

On les jettera au loin, là où le croquemitaine est en grève

Ils n’ont pas encore sorti le chariot à macchabées, ou si plutôt :

Maintenant ça s’appelle un corbillard

C’est plus smart, plus rangé

Plus propre

Evidemment on ne va pas s’en plaindre.

 

J’aimerais bien si je pouvais

Me jeter derrière la glotte un petit coup de gnôle

Du marc de Provence

Un vieux calva de la campagne, du 90° au moins

Bon pour désinfecter les boyaux :

C’est vrai, je suis chimico sensible !

Tout ceci est prohibé

Comme la vie l’est aussi

Rester enfermée, vivre par procuration

Ça ferait le buzz si j’écrivais ma vie ?

 

Une vie d’intoxiquée.

Pas la peine de pleurer, il y en tant à venir des comme moi

Il y en a tant déjà, de ces inconnus, de ces invisibles

Le virus nous a dit de ralentir

L’entendons-nous, l’entendons-nous ?

J’ai sous le coude, le bras et au cœur

Une maladie qui ne demande qu’à s’étendre

Comme un virus

Que l’on ne veut surtout pas entendre

Il coûte trop à chacun de son confort

De son modernisme, de sa bonne vie

Mais les enfants à venir souffriront pire

Ce seront des enfants intoxiqués

Dès leur naissance d’ailleurs ça l’est déjà

Ils n’auront pas la chance comme moi

D’avoir eu une petite vie, d’avoir pu me sentir un peu libre

D’aimer et d’enfanter, d’élever, de nourrir, de faire grandir

Et d’espérer

Avant que de m’écrouler

Ma vie derrière moi

Eux n’auront pas cela

C’est le lot à payer du modernisme

De la belle civilisation et du développement

Pour que la masse profite, il faut que certains s’éteignent

Comme des chandelles mal torchées

Certains consomment

D’autres dépérissent

D’une mort lente, très lente

Qui peut prendre une vie

A attendre qu’une toute petite odeur

Vous coupe l’herbe sous le pied

A défaut d’un gros virus

Qu’on ne peut éviter.

 

C’est l’heure de la complainte

L’heure de l’épanchement

Qui suivant le feu, el humo

Va et s’étend

Tout ceci n’est qu’un rêve

Parfois un vrai cauchemar

Il faut se raccrocher aux tuiles car ce sont les filles des étoiles

Il faut se détendre et regarder la lune

C’est une véritable apparition

Avec son sang d’opale

Elle parle elle pardonne elle promet

Cela ne lui coûte rien à la lune

C’est une mère et une mère

Toujours, ça sait

Ça sait dire oui, dire non,

Ça sait faire les lacets

Ça sait tourner la tête

Qu’on ne voit pas ses larmes

Ça sait toujours pardonner

Ça sait beaucoup lâcher prise avec le recul

Ça sait surtout s’inquiéter

Mais cela ne sert à rien quand on n’y peut rien

Quand on ne peut plus rien pour personne

Ni pour soi-même

Une lune c’est une lumière

On y voit la figure que l’on a aimée

Elle ouvre la bouche et sur ses lèvres

On y lit un poème

Parfois

Devant elle surgit une silhouette

Sur son balai la sorcière- covid

Qui a décidé de faire le tour de la lune

Elle avait des choses à dire, à épousseter

Seulement on n’a rien voulu savoir

Faites le ménage avec mon balai

Disait-elle !

La lune, elle, la comprenait

Elle lui avait fait un magnifique arrière-plan

Couleur argent sur lequel se détachait la

Figure noire de la sorcière- covid

Avec son balai d’or aux poils de cristal

Tout à coup une turquoise est tombée au pied d’un chat

C’était un œil de lune

Comme un de ses rares bijoux d’autrefois

Qui sentaient les ans

Le chat l’a avalé avec à l’intérieur une notice de Buen Vivir

Toute apprêtée pour la gloire.

 

Trop tard !

Le chat a avalé la feuille de route !

La sorcière continue de tourner

Son balai est propulsé au radium

Il ne s’arrêtera plus

A moins que la sorcière butte dans un Nosferatu satellitaire.

 

D’ici là

Le chariot aux macchabées aura bien tourné lui aussi

Et les autres n’auront toujours pas permis

Que cesse un peu le grand train de vie

Qui épuise la vie

Qui intoxique les arbres les gens l’eau la lumière et les rêves.

 

Carole Radureau (29/11/2021)

 

Inspirée par cette photo de Sserge

La fumée sur le toit

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Pas un jour sans poème, #Fragments de Vivarais

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A
S'il n'y avait que la fumée qui pique ...
Répondre
H
Elle pique les yeux cette fumée !
Répondre
C
Oui. Mais comme dirait l'autre : "Cela aussi passera".