12. La rivière qui a perdu sa voix

Publié le 13 Avril 2021

 

image du Doubs

 

.........dits de l'eau.....

Depuis des siècles, elle chantait

Sa chanson liquide voluptueuse et sincère

Non, elle n’avait pas été étudiée encore par l’ethnomusicologie

Son air à elle, a aucun dogme ou parti

N’était attaché.

 

C’était un air entraînant au petit matin

Comme lorsque l’on se lève pour une nouvelle journée

Avec une petite pêche bien prospère, vous savez

Comme celle que fait le talentueux Martin.

 

Vers le midi la chanson prenait un son glougloutant

Comme des boyaux réclamant leur pitance

C’est que la rivière avait pris le coup de sauter au-dessus des pierres

Le ventre creux, parfois elle se ramassait :

Le chant de la rivière qui s’étale sur la pierre

Faisait rire les grenouilles et pleurer les hirondelles.

 

Puis s’en venait la berceuse liquide de la sieste

Une pause en cachette entre deux bouquets de menthe et 3 iris d’eau

Quelle belle sieste aquatique le nez entre le parfum et l’abondance !

Elle avait envie d’y rester, interrompre un peu son cours

Juste le temps de profiter, de taper une petite belote avec les loutres

De jouer aux dominos avec les crapauds.

 

Le devoir l’a menait malgré elle par le bout de son nez

Un nez sempiternellement long si bien que

Elle-même ne savait pas jusqu’où il allait

Le soir arrivait vite : un soir de rivière.

 

Sur les rives des badauds, des pêcheurs à la ligne

Au loin le soleil qui voulait se coucher

Juste, vraiment, juste sur elle, sur son ciel de lit

Là, la rivière chantait une balade triste et romantique

Avec de gros glouglous

Sanglots de velours.

 

Sangles de vérité, mangles d’argent liquide, ensanglantée.

 

La rivière a pour toute ceinture un os compressé par la sécheresse

De ses yeux, de ses chers trous d’eau

Il n’y reste que quelques messages boueux

Finis les glouglous équivoques

La boue c’est déjà ça se dit dame rivière

Pour reconstruire des êtres car il parait, selon les légendes

Qu’ils furent pétris d’elle ainsi.

 

Elle, elle se désole, elle n’a plus une larme

Car, même cela, on ne lui a pas permis

Les poissons se retournent comme des crêpes

Elle voudrait, les voyants

Leur tendre un bras

Ce bras si cher, si tendrement porté chantant à tue-tête des sérénades aux anges

Elle voudrait leur dire : courage !

Nous retaperons bientôt un petit 4.2.1 autour de la pierre sacrée

Et le verre de pastis en prime.

 

Il faut bien l’accepter ce sort, ce sortilège, ce maudit coup du sort

Comme une boule dans la gorge

Il y reste quand même un caillou

Il n’a pas eu le temps d’arrondir son propos

Il fait mal, il blesse,

La glotte de la rivière hoquète, succombe

Son chant n’est plus qu’un râle,

Ce n’est pas un râle des genêts

Non, ils n’existent déjà plus

C’est un râle de mourante,

Un râle qui n’en peut plus.

 

Pas de colère ni de désespoir juste un au revoir

Un adagio de la rivière morte

Sur laquelle viendront glouglouter sévère

Avec un grincement de dents

Les pierres de feu son lit,

sans liquide pour pouvoir se les laver.

 

Carole Radureau (12/04/2021)

 

……poésie d’avril 2021….

…..pas un jour sans poème……

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Pas un jour sans poème, #à la petite semaine, #Dits de l'eau

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
commentaire d'Alma ‌Tristesse et désolation. Ce phénomène de plus en plus fréquent va finir par faire basculer tout un écosystème.<br /> Ton poème dit très bien la rivière, j'ai beaucoup aimé ces différences musicales, bien observées et justes.
Répondre
H
L'été dernier, en Ardèche, le Doux était très bas et ses fidèles affluents, le Duzon et la Daronne étaient à sec, pour la première fois ...<br /> Ma petite Sialinette a résisté, mais elle a tiré la langue jusqu'à octobre !
Répondre
C
Ce n'est pas gai tout ça. Malgré tout cette année, ici, la saison est redevenue plus "normale" que ces dernières années, hélas les nuits froides provoquent les inquiétudes sur les fleurs des fruitiers et les agriculteurs font des braseros la nuit (comme par chez toi) et personne ne vient pour dire comme cela est nocif pour la santé humaine quand les fumées viennent la nuit dans les habitations. J'espère que la petite Sialinette va moins tirer la langue cette année et que le Doux va se regonfler. Tu vois, j'ai le sentiment qu'il ne faudrait pas tant d'efforts que cela de la part de tous pour que la terre se régénère, je ressens en elle un grand pouvoir de résilience. Seulement le capitalisme, seulement le profit et la tune, seulement l'égoïsme et l'individualisme sont un frein à cela. Il n'y aura c'est quasi certain que lorsque les gens manœuvrant leur robinet récupérons une vieille grenouille, qu'ils diront : Y'a urgence !!