Ce n’est qu’un regard (sur mon grand-père Pierre Kerhervé)
Publié le 7 Novembre 2020
Ce n’est qu’un regard
Au hasard d’une photo
Surgie tout-à-coup
Ce regard qui te dit tout et qui
Ne dit rien
Cette impression de nouveauté
Non pas de souvenir, non
De fraîcheur, de gaieté
Pour un peu tu ne l’aurais pas reconnu
C’est lui, pourtant, ton grand-père
Il a quand même un petit air de son fils
Tu sais bien que c’est lui mais
Comment dire ce sentiment
Cette hésitation
Dans ce regard il y a une éternité
Ce n’est pas l’éternité ressurgie de son tiroir
C’est l’éternité du pouvoir
Figé
Sur une photo
Peut-être la seule
Qui est là et qui te dit :
« Regarde-moi bien, regarde »
Je te vois tu me vois
Avec mes deux yeux.
J’ai réalisé cela :
C’est la première fois
Que je vois mon grand-père
Avec ses deux yeux !!
Et ma mère après moi me dit :
« Moi aussi, je crois bien que c’est la première fois. »
Toute une vie près des siens
Les voyant par un seul côté
Comme le temps a dû être long
De ce handicap
Si jeune,
Cette brutale incursion dans la face :
Blessure interminable, éternelle
Que chacun de nous dans son sang
Porte encore en lui et en elle.
Si violente fut cette vie
Des racines arrachées, un œil
Une dentition
Blessures
Gratuites
De la vie
Comme autant d’épreuves dont, lui
Surgit,
Grandi et fort
Malgré la petite taille
Et longue fut-elle
Cette vie
Malgré tout :
Exemple !!
Mon grand-père qui nous regarde avec
Ses deux yeux bleus
Héritage transmis et encore transmis
Comme un message pérenne :
Ton arrière-arrière petite-fille Kessy
Porte à nouveau ton regard bleu de Bretagne
Le bleu de la mer et le ciel qui ne dit
Pas
Son nom.
Carole Radureau (07/11/2020)