Souvenirs d’enfance : Le cidre
Publié le 22 Octobre 2018
Il y a des odeurs qui restent en nous
Vagues effluves soulevés par le temps
Qui jamais ne s’évaporent
Complètement
Et qui parfois viennent frapper
A la porte.
Un souvenir de chemin d’école
Un souvenir de Normandie
Un qui doit être moment du passé
Non réécrit donc à coucher pour
Qu’il perdure.
Le chemin d’école quelquefois
Etait autre et divertissant
Il fallait ouvrir ses narines
Se laisser emporter par la petite bise
Contourner les tas jonchant les trottoirs
De cette pâte compressée
Cette purée de pommes dont était tiré
Le jus précieux.
Une maison sur 3 utilisait le service de la presse mobile
Le soir les pommes déposées sur le trottoir
Au petit matin la purée
Et cette odeur de cidre en devenir
Cette odeur normande : unique !
Mon grand-père faisait son cidre
J’adorais la géographie formelle et ponctuelle
De la presse
Laver les bouteilles au rince-bouteille maison
Mon grand-père c’était l’ancêtre de Mc Gyver
Ce bruit de papillons de métal se déployant pour dégager
Les impuretés récalcitrantes
Ceci c’est notre boulot d’enfants
Parfois on enlevait trop vite la bouteille du goupillon
C’était la douche assurée.
L’embouteillage
Sympathique occupation
Du moins tant que les bouchons étaient en liège
Etait aussi une occupation confiée parfois aux
Enfants
On y mettait un peu la patte
J’aimais voir tremper les bouchons
Les voir devenir tout gonflés et ventrus.
Nous avions droit à partir d’un certain âge
De goûter le cidre à table
Dans un pichet coupé avec de l’eau.
La pomme n’est guère mon amie
Le cidre lui l’était autrefois
Quand je jouais avec le feu de l’histamine sans le savoir
Sans en abuser non plus car l’abus ça gâche tout.
Un jour dans un verger tout d’herbe verte vêtu
Tout de pommiers peuplé
Avec des vaches normandes comme des taches de lait dans l’oasis
De chlorophylle
Je décrochais une pomme et la goûtais
C’est ainsi que j’ai compris pourquoi on les appelait
A cidre (acide)
Colle encore à mes muqueuses cette âcreté d’enfance.
Je suis née dans une contrée où fleurissent les pommiers
Où le cidre en pichet inonde de son arôme les tables paysannes
Où la crème est un fleuron
La chaumière un giron.
Ma petite Marie-Rose aimait sa Normandie
Ce terroir simple et humble qui a fleuri dans la nuit
De l’humidité
A présent se trompe la vie avec ses paysages mutants
Oui le climat change et la verte prairie et le pommier
Croulant sous son bagage précieux
Ces images chères à ma grand-mère un jour ne seront plus.
Ces quelques mots pour se rappeler :
Sirotez en mémoire de mes grands-parents une petite bolée
Et pensez à ce chemin d’école, petites jambes
Naviguant entre des vaisseaux de pommes
Ecrasées.
Carole Radureau (22810/2018)