Cristaux de souvenirs
Publié le 19 Octobre 2014
ALBERT
Les pierres dévorent elles toujours les âmes inquiètes ?
Quand dans leurs yeux résonne l’éternelle question
Comme dans l’éphémère d’une vie résonne le magma
Tes yeux matin de Burle interrogeais un ciel changeur
Tes soucis bien planqués comme la girolle sous la feuille morte
Quand ton accent tonnait, chevauchant les rocailles
L’incertitude des hommes qui trouvent le bonheur
Albert, tu as marqué la terre d’une empreinte de sueur
Un sillon creusé par une larme de vie
Tes ruches sont désertes, tu ne leurs parles plus
Les abeilles ont gardé pourtant bien de l’ardeur
Même si elles ne butinent plus de châtaignier protecteur
Ton souffle qui enchante la mémoire des vallons
Régénère les sous-bois bouffés par la broussaille
Rassure le vieux muret en proie à l’abandon
Le vieux troupeau de chèvres et les buissons hagards
Les hulottes muettes aux cimes des fayards
Ont laissé leur patois sur un sentier perdu
Alors, comme le sourire de ta Louise,
Faire naître la rosée
Poser son cul dans l’herbe
Pour soigner du regard un paysage d’automne
Quand les fleuves de novembre charrient des soirs de méandres
Chargés de nuages et de remords
MEMOIRE MINERALE
Je caresse une pierre
Une pierre au milieu de son mur de pierre
Elle est douce et fibreuse
Sous ma main je sens les petites aspérités
De petites marques du passé
Qui semblent vouloir me dire :
Ici l’histoire écrivit sa mémoire
Sa mémoire n’est point lisse comme le marbre
Elle est rugueuse
Comme les soubresauts du temps.
Je caresse la pierre que j’ai choisie
Et d’un coup le livre s’ouvre sous mes yeux ébahis
Un livre de granite au parfum d’antan :
Les êtres harassés rentrent des champs
Leur dur labeur affaisse leurs épaules
Un fardeau de bois pour la cheminée
Et une poignée de châtaignes ramassées entre les murets
Pour la soupe maigre, c’est un joyeux festin.
Ici la vie est dure, on ne mange pas à sa faim
Ici il faut craindre la peur et la haine
Que tu sois protestant ou bien catholique
La foi qui tourne toujours en oblique
Peut un jour t’accrocher à une lanterne.
Ici c’est la domination des bourgeois des curés du métal
Qui sous les cous dégarnis font plier les glottes étranglées
Les brigands font régner la terreur
La peste s’arrêta pas très loin mais elle signa de son nom
L’insécurité qui levait les bastions
Mettant à égalité les êtres de la région.
Les pauvres se lèvent le matin, cultivent le petit lopin
La terre est pauvre comme eux mais elle sait offrir des richesses
Pour peu qu’avec tendresse on lui offre ses caresses :
……et la châtaigneraie grandit, ses fruits seront jolis
On l’entoure de murets, on la bichonne pour de vrai,
…..et les mûriers poussent comme les vers de la soie
Ils offrent pain et couvert pour ceux qui les tutoient.
La prospérité peut un jour ou l’autre trouver son chemin
Dans cette terre austère, cette terre de montagne
Où la vie sauvage ne cède pas facilement sa beauté
Aux violents, aux tourments, aux histoires du passé
Et aux profiteurs de pacotille.
La pierre elle, ne bouge pas, elle est là et grandit
Elle veut raconter son histoire, son terroir
Sa fibre-livre est minérale à souhait,
La pierre raconte le règne de la vie
L’alliance des produits de la terre
Dont l’homme sait tirer profit
L’homme simple, l’homme-nature, l’homme-vie
Et non l’homme-profit.