Prisme d'opale
Publié le 9 Novembre 2013
La vie et pourtant
J’étreins un fantôme de tendresse qui ravive mon ulcère du bonheur
Deux yeux ébahis et un sourire d’enfant s’habillent en haillons de souvenirs
La mer des hommes a rejeté sur la grève un amour imploré
Et les fleurs de mémoire ont perdu leur arome
Je traverse la vie suspendu à un fil
Surplombant dans mon vol toute la furie des foules
L’estomac ligaturé d’une invisible angoisse
Qui décompose mon corps et renforce mon esprit
Si mon avenir semble se graver dans la fuite
C’est pour revisiter le lieu de ma naissance
Et pour désagréger le berceau des méchancetés
J’ai troqué mes doudous pour des bains de nausée
Et échanger mes larmes pour un spectre d’amour
J’offrirai toute mon âme aux fous de liberté
Pour affronter la nuit dans la sérénité
Apercevoir le phare de ce petit matin
Pour ne plus transpirer et ne plus chavirer.
Tant que je pourrai garder les yeux fermés
Mes narines frémiront à l’indicible promesse
Pervers aux yeux des hommes, pour tout dire anormal
Mon seul crime étant de ne pas être animal
Je reste agrippé à ce vaporeux rocher d’amour
Que vient inlassablement briser l’insensible marée
S’il est un chez moi, il n’est pas dans ce monde
Mais la vie et la terre ont domptés mon futur
Trousseau de naissance
Je naissais nue avec pour tout bagage
une couche épaisse de litière enrichie en humus
collectée durant des siècles de poussière.
Cet héritage olfactif
je le recevais de je ne sais où mais qu’importe,
il était là à présent jusqu’à cet aujourd’hui.
Mes mains connaissaient déjà le rugueux
des pousses vert émeraude des fougères enroulées,
elles savaient que bientôt sous ces feuilles épanouies
de minuscules graines brunes, rondes et volubiles
dissémineraient leurs subtils messages,
semant leurs fécondes promesses dans l’humus accueillant.
Le tapis de la forêt, présent et inconscient
déroulerait alors son tableau aux si jolis propos.
Mon ouïe encore intacte avait emmagasiné
dans le passé minéral,
le chuchotis de l’eau qui coule tel un cristal sur les roches
dénudées,
qui parfois chute sur la mousse abondante et curieuse,
ou bien encore rigole en tombant de très haut.
Mes pieds nus avaient en mémoire la douceur de la pierre,
bien souvent mère nourricière,
son glissant si futile et sa rugosité subtile,
je savais que toujours dans la vie il faut assurer son pas.
Sous les châtaigniers au feuillage vert de bouteille
je savais où trouver l’énergie nécessaire,
bien enfouie dans leurs bogues-hérissons,
les fruits de leur farine tendaient leurs sourires épanouis.
Dans ma bouche le souvenir du nectar sucré
croqué à pleines dents à pleins rayons par les êtres premiers,
imprimait son indélébile et nutritive trace.
Une chaude odeur de vie, de terre meuble, de racines échevelées
emplit mon atmosphère et enrichit ma pousse,
et telle la fougère qui à l’ombre prospère,
je grandis sans un bruit,
mon cœur enfermant ses douleurs dans un cocon de sang.
J’attendais le jour où la nature en son sein
accueillerait enfin ma joie d’aimer au rythme de ses jours,
accueillerait enfin ma dépouille et ses os
qui frémissent et soupirent
d’avoir trop vécu, trop su et trop compris.
Carole Radureau (24/10/2013)
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